samedi 27 juin 2020

82 rêves pendant la guerre 1939-1945


Emil Szittya, Allary éditions, 220 pages
Présentation de l'éditeur:

Préfacé par Emmanuel Carrère, écrit dans une langue magnifique, un roman de guerre qui ne ressemble à aucun autre et un portrait saisissant de l'inconscient en temps de guerre.

Pendant une guerre, on rêve de guerre, et Emil Szittya a cherché à savoir sous quelle forme la guerre s'insinuait dans le sommeil des gens. Il a noté ce qu'on lui racontait aussi fidèlement que possible, en comptant sur l'éloquence de la transcription brute. Le résultat est saisissant, à la fois d'une grande unité de style et d'une grande variété de tonalités et d'affects. Il n'y a pas d'interprétation, mais chaque rêve est précédé par une brève présentation du rêveur, et ces 82 vignettes ne sont pas ce que le livre offre de moins précieux. Il y a quelque chose de Perec dans ces vies déroulées en quelques lignes. On y reconnaît le ton d'un véritable écrivain. " Emmanuel Carrère
Sorti en 1963, devenu introuvable, 82 rêves pendant la guerre 1939-1945 est enfin réédité. Emil Szittya y fait le récit des rêves de Français ordinaires, de miliciens, de Juifs pourchassés ou de soldats allemands pendant l'Occupation.
En dévoilant la part la plus intime des hommes et femmes pendant cette nuit de six longues années, il signe une œuvre littéraire et historique de premier plan. Un portrait saisissant de l'inconscient en temps de guerre.


Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Voilà une idée curieuse qui finalement nous offre un témoignage fort inhabituel sur la guerre. Et le plus étrange, c'est que cette compilation de rêves forme un ensemble cohérent. Il faut croire que la guerre a ce pouvoir sur les hommes…

dimanche 21 juin 2020

A crier dans les ruines


Alexandra  Koszelyk, Aux forges de Vulcain, 254 pages

Présentation de l'éditeur:
Lena et Ivan sont deux adolescents qui s'aiment. Ils vivent dans un pays merveilleux, entre une modernité triomphante et une nature bienveillante. C'est alors qu'un incendie, dans l'usine de leur ville, bouleverse leurs vies. Car l'usine en question, c'est la centrale de Tchernobyl. Et nous sommes en 1986. Les deux amoureux sont séparés. Lena part avec sa famille en France, convaincue qu'Ivan est mort. Ivan, de son côté, ne peut s'éloigner de la zone, de sa terre qui, même sacrifiée, reste le pays de ses ancêtres. Il attend le retour de sa bien-aimée. Lena, quant à elle, grandit dans un pays qui n'est pas le sien. Elle s'efforce d'oublier. Mais, un jour, tout ce qui est enfoui remonte, revient, et elle part retrouver le pays qu'elle a quitté vingt ans plus tôt. Alexandra Koszelyk est née en 1976. Elle enseigne, en collège, le français, le latin et le grec ancien.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️
Commentaire spontané:
Ce sujet original pour un roman français permet une bonne approche du drame  de Tchernobyl. L'œuvre est ponctuée de lettres d'Ivan, ce qui rend ce personnage très attachant et offre un décalage qui intensifie le sentiment de déracinement que l'auteure fait vivre à son héroïne. 
Ce texte nous replonge dans l'époque communiste (mainmise sur la population, contrôle de l'information…) et livre un témoignage poignant - bien que ce soit un roman - sur les conséquences d'un accident nucléaire (vies sacrifiées, familles délocalisées, exil forcé, territoires interdits…).
C'est aussi un roman sur l'exil, cette difficulté à vivre quand on perd tous ses repères et qu'il faut en plus apprendre une nouvelle langue…

samedi 20 juin 2020

La jumelle H


Giorgio Falco, Verdier, 384 pages


Présentation de l'éditeur:

Par les voix alternées des sœurs jumelles Hilde et Helga le roman évoque la vie d'une famille allemande depuis le Troisième Reich jusqu'aux années 2000.
Hans Hinner, le père des jumelles, est un nazi bon teint : après une vie bonhomme et productive sous le Reich (journaliste il collabore activement à l'idéologie hitlérienne), il quitte l'Allemagne de l'après-guerre pour reprendre sur les côtes italiennes de Romagne une petite pension de famille qu'il rendra florissante. Ce n'est pas un monstre, sinon banal, qui s'installe à Milano Marittima, mais un homme gris, comme les uniformes de la terreur, comme la plage qui s'étend jusqu'à la mer, comme la mer qui s'étend jusqu'à l'horizon, comme les vies que rien ne distingue.
Comment, alors, vivre une histoire en son nom propre ?
Hilde et Helga tentent chacune à sa manière de se dégager, d'écrire sa propre histoire, mais un H les rattrape dont l'ombre portée les précède et les suit ; le H de l'histoire.

La Jumelle H est le premier roman de Giorgio Falco traduit en français.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️
Commentaire spontané: 
Je suis entrée très facilement dans l'univers de Giorgio Falco. Pourtant ce pavé avait de quoi rafraîchir mes ardeurs, car actuellement au travail, je suis accaparée par de nombreux projets qui macèrent dans mon esprit  largement hors des heures de bureau!
Mais j'avoue que la vie d'une famille "ordinairement nazie" m'a intéressée au plus haut point, et que la façon dont l'auteur a mené l'histoire m'a convaincue. Etre dans le mauvais camp et s'en sortir… Que faire de ce passé? Quelles conséquences pour la génération suivante? Autant de questions abordées dans ce très beau livre pas loin du coup de cœur.

dimanche 14 juin 2020

Les aventures de l'infortuné marrane Juan de Figueras

Jean-Pierre Gattégno, éditions de l'Antilope, 448 pages

Présentation de l'éditeur:

Espagne, XVIIe siècle. Juan, le narrateur, est fils de marranes, ces juifs contraints par l’Inquisition à se convertir au catholicisme et qui continuèrent à pratiquer le judaïsme en secret. Son père, un riche marchand de Séville, décide de l’envoyer en pension dans la lointaine Valence. Là, Juan découvre le vol, la traîtrise, le mensonge. Au bout d’un an, il s’enfuit et veut retourner chez ses parents à Séville. Le chemin sera plus long que prévu…

 

Extrait du roman

« Comment décrire ce que j’éprouvai, Monsieur ? Je me demandais : « La pièce interdite était-elle une synagogue ? Était-ce cela que l’on voulait me cacher ? » Les juifs avaient mis à mort le Christ, je les avais maudits pour cette infamie et je m’étais réjoui qu’on les eût expulsés d’Espagne. Mais ce rêve me découvrait que j’étais des leurs.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️❤️
Commentaire spontané: 
Mes origines slaves privilégient généralement les romans sur l'Europe de l'Est. Concernant l'Espagne, je ne connais pas grand-chose à son histoire ni à ses traditions. De ce fait, j'ai plongé dans ce roman avec une candeur toute juvénile… alors que s'y manifestent les pires horreurs, à commencer par la chasse aux juifs, mais aussi à tous ceux qui ne sont pas de "vieux chrétiens"! Vous imaginez bien que dans un tel climat, les dénonciations vont bon train. (L'histoire se passe sous l'Inquisition.)
L'oppression des femmes, l'humiliation des pauvres, la duplicité et la lubricité (notamment au sein de l'Eglise)  sont également largement dénoncées par l'auteur d'une manière qui n'est pas sans rappeler les classiques des 18ème et 19ème siècles. La lecture est jubilatoire, tant le style de Jean-Pierre Gattégno est alerte et les chapitres s'apparentent à des fables.
En cours de lecture, je me suis interrogée sur la 4ème de couverture. L'éditeur y indique: "A travers les tribulations de Juan de Figueras, c'est aussi de notre époque que nous parle ce roman, de son fanatisme comme de sa folie meurtrière."
En le refermant, j'ai réalisé que:
1) Avec son lot de dénonciations et de "disparitions", je venais de lire une chasse aux juifs en bonne et due forme (on en connaît une autre bien plus proche de nous).
2) La lutte contre les inégalités est toujours d'actualité.
Un roman dont je conseille vivement la lecture!

mardi 9 juin 2020

Deux fleurs en hiver

Delphine Pessin, Didier Jeunesse, 192 pages

Ce qu'en dit l'éditeur:

L'une, Capucine, a décidé d'effectuer son stage dans un Ehpad. Elle change de couleur de perruque en fonction de son humeur et au fil des découvertes du métier d'aide-soignante.
Violette, quant à elle, est une nouvelle résidente déboussolée qui vient d'arriver à l'Ehpad. Émue par le désarroi de Violette, Capucine fait des pieds et des mains pour lui redonner le sourire.

Leur rencontre va dynamiter la vie plan-plan de la maison de retraite et bousculer leurs cœurs en hibernation !

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Une histoire d'une grande sensibilité sans être gnangnan, vous en rêviez, Delphine Pessin l'a faite! Elle n'hésite pas à aborder la délicate situation des Ehpad (manque de moyens, de personnel, image de mouroir, etc.) à travers deux femmes cabossées: l'une est à la fin de sa vie, l'autre au début de la sienne. Chacune est plongée dans les pires doutes, et malgré tout, chacune peut apporter le réconfort à l'autre. L'entraide qui traverse le livre a fait souffler sur mon moral un vent de fraîcheur salutaire.

lundi 8 juin 2020

Trois fois dès l'aube

Alessandro Baricco, Folio, 128 pages

Présentation de l'éditeur:
«C'était un hôtel, d'un charme un peu suranné qui avait su probablement, par le passé, tenir certaines promesses de luxe et de raffinement. Il avait une belle porte à tambour en bois, un détail toujours propice aux fantasmes. C'est par là qu'une femme entra.» Deux personnages se rencontrent à trois reprises dans un hôtel, jusqu'à ce que l'aube se lève et avec elle, la promesse d'un nouveau départ. Un homme se confie à une femme plus âgée que lui, un portier aide une jeune femme à s'affranchir de son passé et une inspectrice de police cherche à protéger un orphelin. Habilement enchevêtrées, ces histoires donnent à voir l'étendue des talents d'Alessandro Baricco. D'autant plus que le titre n'est pas sans rappeler celui d'un livre mentionné dans son dernier roman¿ Mr Gwyn.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Trois histoires qui se répondent, trois histoires où les héros sont sur le point de basculer grâce à une rencontre dans un hôtel. Franchement, jusqu'ici je n'avais jamais envisagé les hôtels comme des lieux de renaissance ou de rédemption.
Encore une fois, l'auteur nous engage dans l'une de ses expériences littéraires. On ne sait jamais où ça va nous mener, ce qui va advenir des personnages, de nous - de notre foi en notre sagacité! A ce propos, la chute de la première histoire m'a complètement bluffée. Je n'ai rien vu venir!

dimanche 7 juin 2020

Mr Gwyn

Alessandro Baricco, Folio, 224 pages

Présentation de l'éditeur:

- Je crois que j'aimerais être copiste. - Cela consiste à copier des choses, non ? - Probablement. - Mais pas des actes notariés ou des chiffres, je vous prie. - J'essaierai d'éviter. - Essayez de voir si vous ne pouvez pas par exemple copier les gens. - Oui.- Tels qu'ils sont. - Oui. - Vous y arriverez très bien. Qu'est-ce qu'un artiste ? Alessandro Baricco nous invite à suivre le parcours de Mr Gwyn, entre badinage et aventures cocasses. Un roman intrigant et brillant.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Les héros d'Alessandro Baricco évoluent toujours dans un univers un peu étrange et fantasque. C'est le cas de Mr Gwyn, créateur hors-norme dont le génie créatif repousse les frontières de la fiction littéraire.
A chaque fois, je suis agréablement surprise de voir combien Alessandro Baricco sait tricoter des histoires qui nous vont, car chacun peut y trouver des réponses à ses questions existentielles.
Pour une meilleure mise en perspective, je vais enchaîner cette lecture par Trois fois dès l'aube, un roman dont il est question à la fin de cet ouvrage.

mercredi 3 juin 2020

Double 6

Emmanuel Trédez, Didier Jeunesse, 160 pages

Présentation de l'éditeur:

Hadrien est porté disparu. On le soupçonne d’avoir fugué. Deux policiers font irruption dans sa classe et mènent une série d’interrogatoires auprès des collégiens.
Car Hadrien est un véritable mystère. Personne ne connaît le secret de ce garçon aux multiples facettes… Tantôt effacé, tantôt bagarreur, excellent élève le lundi et mauvais le mardi, il semble avoir réussi à se mettre tout le monde à dos. Sa petite amie elle-même ne comprend rien à ce garçon qui lui envoyait des poèmes avant de la repousser brutalement… Est-il vraiment celui qu’il prétend être ? Sa disparition pourrait bien bouleverser toutes les certitudes de ses proches ! Fugue, enquête, double jeu…

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Les disparitions font toujours des romans efficaces. Celui-ci ne déroge pas à la règle.

mardi 2 juin 2020

La famille Yassine et Lucy dans les cieux

Daniella Carmi, L'antilope, 192 pages
Présentation de l'éditeur:

Nadia et Salim Yassine, un couple d’Arabes israéliens, ne peuvent pas avoir d’enfant. À leur demande d’adoption, les services sociaux leur attribuent un garçon de huit ans, Nathanaël. Le garçon s’avère autiste. Quand il sort de son mutisme, il chante à tue-tête « Lucy in the sky with diamonds ».

À travers le regard de Nadia, une femme à la candeur touchante, Daniella Carmi dresse un portrait loufoque de la société israélienne. Elle réussit l’exploit de faire rire et pleurer en faisant se rencontrer des Arabes israéliens, des Juifs ultraorthodoxes, des homosexuels.



Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Ecore un OVNI littéraire, me suis-je dit en entamant la lecture de ce texte qui part dans tous les sens. Et puis la cohésion est venue à mesure que les pages se tournaient. Une cohésion issue du chaos, car les personnages vivent des situations qui leur échappent, comme le sable s'échappe de la main qui voudrait le retenir.
Dans cette histoire, une chose m'a frappée: il n'existe aucune certitude. Rien n'est donné aux personnages. On comprend même très vite que tout peut leur être repris du jour au lendemain (travail, enfant…). On traverse bien des langues (russe, anglais, hébreu, arabe, français), une cacophonie qui permet de comprendre pourquoi personne n'est vraiment capable de s'écouter (même dans le couple, les dialogues sont à mourir de rire). Dans ce contexte, l'enfant autiste est le vecteur d'un ordre nouveau qui vaut bien le reste. Quoi qu'il en soit, quand plus rien n'est certain, seul compte l'instant présent, et ce texte le montre bien.

lundi 1 juin 2020

Le désert ou la vie et les aventures de Jubaïr Ouali El-Mammi

Albert Memmi, Folio, 256 pages
Ce qu'en dit l'éditeur:

Capturé en 1400 par Tamerlan, le Grand Conquérant du Royaume-du-Dedans, le prince Jubaïr lui fait le récit de sa vie. Exilé à la mort de son père, il va obstinément chercher à reconquérir son trône. Il passe des années à errer du désert d'Alger à Tlemcen puis à Tunis et au Caire où il entame sa carrière politique. Toujours en compagnie de son fidèle Younous, on le retrouve à Fez, en Castille, parmi les Faces Brûlées - de redoutables guerriers africains - ou avec les brigands Méharbines. Quand il retrouve enfin son royaume, celui-ci est aux mains de nouveaux conquérants. Chaque épisode de la vie de Jubaïr offre à Tamerlan une leçon de sagesse. « Vous aimeriez savoir si Tamerlan a suivi les conseils de mon ancêtre ? » écrit Albert Memmi. La réponse est... dans Le désert.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: 
Commentaire spontané: J'ai refermé ce livre avec la conscience d'avoir lu un grand texte, ourlé de savoir et ceint d'une belle langue comme je les aime; cependant, si toutes ses qualités m'ont été accessibles, je n'ai pas réussi à m'en émouvoir. Est-ce parce que le sujet m'a semblé trop éloigné de mon univers? C'est fort probable. L'histoire des royaumes nord-africains au Moyen-Âge m'est aussi familière que le fonctionnement d'un robot-mixeur à un asticot. Et comme les événements s'enchaînent à un rythme effréné, difficile de suivre la pertinence des luttes d'influence dans ce coin d'Afrique particulièrement prisé.