jeudi 30 décembre 2021

Le dernier des justes

 

André Schwarz-Bart, Points, 448 pages

De quoi s'agit-il?

En 1943, Ernie Levy est au seuil du camp de concentration de Drancy. Il est le dernier maillon d'une très longue lignée de Justes, commencée au douzième siècle. Et si, finalement, la mort ne pouvait rien contre celui qui parvint toujours à transmettre l'étincelle de vie ?

Le dernier des Justes est un roman d'une rare intensité sur l'histoire et le destin du peuple juif.

André Schwarz-Bart (1928-2006) entre en résistance en 1943. Il obtient le prix Goncourt en 1959 pour son premier roman, Le Dernier des justes.

Commentaire:

J'ai lu ce livre dans le cadre de l'atelier littéraire du CCJ Simone Veil.

Une histoire très forte dans la tradition des grands conteurs juifs. Des passages terribles. Un étonnement encore plus fort que ce livre ait reçu le prix Goncourt. Commentaire à suivre...

Le divin scénario

 

Jacky Beneteaud, Fabrizio Dori, L'an2 Eds, 192 pages

BD

De quoi s'agit-il?

Un récit de haute fantaisie mêlant religion, mythologie et littérature, jouant de l'érudition et de l'anachronisme, dans lequel l'ange Gabriel, chargé de la Visitation, confond Marie avec d'autres femmes

Spontanément, je dirais

Qualité du graphisme et de la mise en couleur, scènes cocasses qui nous plongent dans l'histoire littéraire, voilà une BD réjouissante et de circonstance !

Histoire d'une vie

 

Aharon Appelfeld, 240 pages, bibliothèque de l'olivier

traduit de l'hébreu par Valérie Zenatti

De quoi s'agit-il?

Avec Histoire d'une vie, Aharon Appelfeld nous livre quelques-unes des clés qui permettent d'accéder à son œuvre : réminiscences de la petite enfance à Czernowitz, en Bucovine. Portraits de ses parents, des Juifs assimilés, et de ses grands-parents, un couple de paysans dont la spiritualité simple le marque à jamais. Il y a aussi ces scènes brèves, visions arrachées au cauchemar de l'extermination. Puis les années d'errance, l'arrivée en terre d'Israël, et le début de ce qui soutiendra désormais son travail : le silence, la contemplation, l'invention d'une langue approchant au plus près l'énigme d'une vie, les méandres de la mémoire, et le sens que l'art peut leur donner.

Traduit de l'hébreu et révisé pour la présente édition par Valérie Zenatti

Prix Médicis étranger 2004

Commentaire établi pour le cercle littéraire du CCJ de Montpellier:

Lire un livre d’Aharon Appelfeld, c’est plonger dans une musicalité particulière qui va droit au cœur. Dans le cadre de notre atelier littéraire, j’ai parcouru Histoire d’une vie pour la 3ème fois, mais pour l’occasion, j’avais acquis une version tout juste parue. Dans cette version révisée par sa traductrice, Valérie Zenatti, des mots, des tournures de phrases apparaissent différentes, donnant un éclairage parfois nouveau au texte, soulignant, lors d’une lecture comparée, l’importance de la traduction dans la transmission.

Lors de cette lecture, j’ai encore une fois été touchée par la vulnérabilité de l’enfance traversée par la guerre. Bien que cette fois, il nous parle de sa propre vie, Ahahron Appelfeld émaille son récit de souvenirs d’enfants croisés au hasard, des enfants que des inconnus aidaient d’un morceau de pain ou d’un manteau – une condition nécessaire, mais hélas pas suffisante pour s’en sortir pendant cette terrible période.

J’ai aussi été frappée par l’importance de la nature dans la vie de l’auteur, et par la relation intime qu’il a nouée très tôt avec elle. Il faut dire qu’en l’absence de parents à un âge où les apprentissages fondamentaux se font, la vie dans les bois n’a pu que laisser une empreinte durable.

Enfin, je parlerai de cette grande sidération qui est la mienne à chaque fois que je lis ces lignes (pages 120 et 121 de l’édition 2021) : « En quelques semaines, l’enfant de sept ans entouré de chaleur et d’un immense amour devint un orphelin de mère abandonné dans le ghetto, traîné par la suite avec son père dans une marche forcée à travers les plaines d’Ukraine, au milieu des agonisants et des morts étendus sur les bas-côtés de la route, trottant avec ses dernières forces auprès de ceux, peu nombreux, qui marchaient encore. »

Il y aurait encore tant à dire sur l’écriture et sur la langue, deux thèmes dont la construction et la déconstruction sont au cœur du livre et de la vie de l’auteur - et qui ont bien occupé nos débats ! Une chose est sûre, l’œuvre est foisonnante et chacun peut y trouver son bonheur de lecteur.


Smotshè, biographie d'une rue juive de Varsovie

 

Benny Mer, L'antilope, 336 pages
traduit de l'hébreu par Gilles Rozier

De quoi est-il question?

Entre les deux guerres, les Juifs représentent environ un tiers de la population de Varsovie. Benny Mer choisit de les faire revivre à travers la visite guidée d’une des rues les plus pauvres du quartier juif de la ville, la rue Smocza (Smotshè en yiddish). Pour cela, il s’est plongé dans la presse yiddish, ses annonces, les faits divers, les fragments littéraires…
Les personnages rencontrés – souvent des petites gens, tailleurs, vendeuses au marché… – sont une source essentielle pour l’auteur. Il tente alors de retrouver ce qu’ils sont devenus après 1939 et parvient parfois à retracer qui a été enfermé dans le ghetto, qui y est mort, qui y a combattu durant l’insurrection, etc.

Spontanément, je dirais…

Avec ce livre que j'attendais avec impatience, j'ai tenté une expérience nouvelle : au lieu de l'engloutir, comme je le fais habituellement des ouvrages dont le sujet m'est cher, je l'ai laissé infuser en me forçant à n'en lire que quelques passages par jour, passages auxquels j'ai réfléchi profondément. Cette technique, qui consiste à manduquer le contenu d'une œuvre, est la même que celle employée par les religieux pour s'imprégner des textes sacrés. Elle m'a permis de laisser venir à moi l'atmosphère de la rue Smotshè. Parfois, j'ai eu l'impression fugace que des odeurs ou des bruits flottaient autour de moi comme autant de fantômes d'un temps révolu. Une formidable immersion permise par le gigantesque travail de recherche entrepris par Benny Mer. Merci à lui pour cette expérience transcendantale.