dimanche 31 janvier 2021

La traversée

 Patjim Statovci, Buchet Chastel, 272 pages

Résumé:

Alors que l’Albanie bascule dans le chaos, Bujar, adolescent solitaire, décide de suivre l’audacieux Agim, son seul ami, sur la route de l’exil. Ensemble, ils quittent le pays pour rejoindre l’Italie.

C’est le début d’un long voyage, mais aussi d’une odyssée intérieure, une quête d’identité poignante. En repoussant chaque fois un peu plus les frontières du monde, les deux garçons se frottent à cette question lancinante : comment se sentir chez soi – à l’étranger comme dans son propre corps ?

Deuxième roman du prodige finnois Pajtim Statovci, La Traversée puise dans le folklore albanais, le récit de voyage et les grands romans d’apprentissage pour nous livrer, dans une prose enivrante, une fiction juste et brûlante d’actualité.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️

Commentaire spontané:

Le prologue est d'une beauté et d'une violence folles. Je peux lire et relire ces quelques pages avec la même émotion, tout en me disant: voilà un grand écrivain qui va me révéler des choses essentielles sur l'état de notre monde et des hommes qui l'habitent. 

Effectivement, je n'ai pas été déçue…

lundi 25 janvier 2021

Noir diadème

 

Gilles Sebhan, Rouergue Noir, 192 pages

Résumé:

Lorsqu'on découvre le corps profané d'un adolescent aux abords d'un camp de fortune où sont réfugiés des migrants, le lieutenant Dapper en fait une affaire excessivement personnelle. Comme les grands héros tragiques, le policier va s'évertuer à offrir une sépulture au jeune disparu. Mais pour cela, il lui faudra résoudre une énigme laissée après sa mort par le monstre Bauman, un tueur en séries. Remonter la filière mafieuse d'un réseau de trafic d'organes. Et s'attaquer à un casino de la mer du Nord aussi gardé qu'une citadelle.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️

Commentaire spontané:

Si je lis très peu de polars (ceux de Dror Mishani, ceux de Charles Aubert, on a vite fait le tour!), je peux tout de même affirmer que celui-ci est excellent.

J'ai pris les choses en cours, si l'on peut dire, car les personnages nous ont déjà été présentés dans trois enquêtes que je n'ai pas lues et qui métastasent dans Noir Diadème. Malgré tout, j'ai réussi à me familiariser suffisamment avec l'ensemble pour que ce passé ne me gêne pas au-delà des 50 premières pages.

L'écriture est exigeante, un élément supplémentaire qui aurait très bien pu me laisser dans le fossé de l'intrigue. Mais non, absolument pas, au contraire! La virtuosité de l'auteur est telle qu'elle embarque le lecteur qui débarque. ^^

Enfin, le texte montre une grande empathie pour les jeunes migrants dont il est question.

Pour conclure, j'ai énormément envie de lire les tomes précédents, voilà, voilà.


vendredi 22 janvier 2021

Quitter Psagot

 

Yonatan Berg, L'antilope, 256 pages


Présentation:

Dans Quitter Psagot, Yonatan Berg revient sur son enfance au sein d'une colonie juive de Cisjordanie peuplée de Juifs pratiquants, à quelques centaines de mètres de Ramallah, capitale de l'autorité palestinienne. Yonatan Berg raconte l'organisation du village, l'endoctrinement de la jeunesse dans une ligne religieuse marquée à droite, comment il s'est senti mal à son aise dans ce milieu, surtout après son passage dans un lycée de Jérusalem puis en trois années de service militaire. Quitter Psagot est un texte personnel, touchant aux questions de l'éducation et des choix de vie. Et une fois le choix fait d'une vie non conforme à la route tracée par les parents, hors de la colonie et de l'engagement religieux extrême, une douleur persiste. Yonatan Berg est un écrivain et poète, né en 1981 à Jérusalem dans une famille pratiquante. Il a grandi à Psagot, une colonie juive de Cisjordanie proche de Ramallah. Mal à l’aise dans ce milieu religieux et nationaliste, il s'en nourrit pour écrire. Après son service militaire et trois années à l’étranger, il suit des études littéraires. Il vit à présent à Jérusalem. Son premier roman Donne-moi encore cinq minutes est paru en traduction française à l'Antilope en 2018.


Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️

Commentaire spontané:

Instructif, c'est le moins que l'on puisse dire.

On peut avoir quelques connaissances sur la vie dans les colonies juives de Cisjordanie, mais le récit de Yonatan Berg ne nous en épargne aucun aspect, et pour cause: voilà un homme qui en est issu !

L'auteur décortique la topographie mentale de l'enfant qu'il était: un enfant qui grandit et devient un jeune adulte à Psagot. Cette topographie est directement liée à celle du lieu, un lieu organisé en opposition à ce qui l'entoure, sans jamais chercher à s'intégrer dans le paysage ou dans l'histoire locale, celle des arabes de la ville voisine.

L'auteur insiste sur sa perte personnelle de repères suite aux traumatismes qui ont émaillé sa vie (de la route qui le menait à l'école, enfant, au service militaire dans une unité combattante) et sur ses prises de conscience vis-à-vis de sa communauté.

Il s'agit d'un témoignage sur l'impossibilité d'appartenir à la colonie qui l'a pourtant vu grandir…

Sur l'impossibilité de s'en éloigner… (Ne lui consacre-t-il pas un livre?)

Sur la difficulté de vivre ailleurs… (A l'extérieur, personne pour le comprendre, car personne n'a reçu la même éducation que lui; il se sent seul, isolé.)

Sur la difficulté d'habiter son propre corps - notamment à cause du poids des préceptes religieux…

Tant d'impossibilités et de difficultés m'ont beaucoup émue.

Ce témoignage nous permet de nouvelles réflexions sur la difficulté, d'être un enfant, parfois…


vendredi 15 janvier 2021

Mendelssohn est sur le toit


 Jiri Weil, Nouvel Attila,  300 pages


Résumé:


Le livre : Un témoignage sur le ghetto de Prague, où le sarcasme côtoie la tragédie

Prague, octobre 1941. Reinhard Heydrich, protecteur de Bohême mélomane, s’évertue à déboulonner de l’Opéra la statue de Mendesshon. En vain, car personne n’arrive à identifier Mendelssohn : il n’y a pas de plaque sous les statues… en cherchant celle qui a le plus gros nez, ils tombent sur la statue de Wagner !

Ainsi commencent le récit et les malheurs des petits fonctionnaires tchèques chargés de la purification du Prague… Sauf que Heydrich a vraiment existé, il était même chargé de penser la « solution finale ». Son assassinat par un commando de résistants tchèques a déclenché une répression atroce. Jiri Weil fait partie des quelques milliers de juifs qui ont survécu : il a conçu ce livre en 1946, pour conjurer son histoire et ses années de clandestinité. Une histoire cruelle et lucide, comique et douloureuse des juifs et des nazis où, comme chez Bruno Schulz ou Edgar Hilsenrath, le sarcasme et la bouffonnerie côtoient la tragédie.

L’auteur

Jiri Weil (1900-1959), journaliste, membre du parti communiste, traducteur de Pasternak, Maïakovski et Marina Tsvetaeva, victime des purges staliniennes, est l’un des premiers auteurs à avoir évoqué le goulag. Pourchassé à la fois en tant que communiste et en tant que juif par les Nazis. Il échappe à la déportation, en faisant croire à son suicide et travaille dans la clandestinité. Les documents sur le génocide des juifs tchèques passés entre ses mains au Musée de Prague lui ont inspiré un poème en prose en forme de collage littéraire, Complainte pour 77297 victimes, traduit ici pour la première fois.

Jiri Weil est un des auteurs préférés de Philip Roth, qui aimait son ton détaché et sa simplicité désarmante.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️❤️

Commentaire spontané: Cela faisait des années que je rêvais de lire ce livre. Il a fallu cette nouvelle traduction au Nouvel Attila pour que j'y arrive. Entrer complètement dans un livre, cela tient toujours du petit miracle, surtout lorsque ce livre traite d'un sujet aussi grave et horrible. J'ai vécu ce petit miracle avec ce roman. L'humanité des personnages m'a fait penser à celle dépeinte par Edgar Hilsenrath dont je vénère l'écriture. J'en sors bouleversée. 

Ce livre entre immédiatement dans ma bibliothèque idéale.