Affichage des articles dont le libellé est Roman allemand. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Roman allemand. Afficher tous les articles

vendredi 20 mars 2020

La septième croix

Anna Seghers, Métailié, 448 pages

Présentation de l'éditeur:

Sept Allemands opposants au nazisme se sont enfuis d'un camp. Un formidable appareil policier est mis en branle pour les retrouver. Un seul des sept, Georg Heisler, aidé par les efforts tâtonnants de ses amis de jeunesse, parvient à passer en Hollande grâce à l'organisation rudimentaire de la résistance et à la solidarité ouvrière mondiale. La septième croix qui l'attend au camp de concentration reste vide. Et c'est la brèche qui laisse un passage à d'immenses espoirs. Ce roman, dont l'action se déroule en Rhénanie, constitue une somme des expériences vécues par divers acteurs de toutes les classes de toute la société allemande des années 1930.
Dans ce roman de l'Allemagne nazie écrit pendant son exil en France, Anna Seghers dresse une fresque polyphonique et dépeint une société dans laquelle le national-socialisme révèle en chacun les aspects profonds de son être : héroïsme insoupçonné d'un tel, lâcheté de tel autre, ou simple peur existentielle et fragilité face à un système conçu pour broyer toute résistance visant non seulement l'individu mais sa famille, ses proches. Solidarité, inconscience, constance ou reniement de l'idéal, toute une palette des comportements humains est présente.
Anna Seghers, qui pour écrire son récit a longuement écouté et interrogé des compatriotes dont l'exil était plus récent que le sien, trace le portrait d'une humanité proche de nous : " Nous avons tous ressenti comment les événements extérieurs peuvent changer l'âme d'un être humain, de manière profonde et terrible. Mais nous avons également ressenti qu'au plus profond de nous il y avait aussi quelque chose d'insaisissable et d'inviolable. "
Ce roman a été publié pour la première fois aux usa en 1942 où il a connu un immense succès : une édition de poche a été même envoyée aux soldats américains partis libérer l'Europe. En France, il est publié dès 1947 dans une traduction que l'auteur avait refusée, puis en poche en 1986, les ayants droit n'ont pu en interrompre la vente qu'en 2010. Nous présentons ici une nouvelle traduction avec une postface de Christa Wolf.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Un livre foisonnant tant au niveau de la construction que des personnages. (D'ailleurs, j'ai apprécié qu'on nous livre une bible dès le départ, car au bout d'un moment, je défie quiconque de ne pas s'y référer!) Ce livre est brillant.
Mon conseil, toutefois: si vous avez l'esprit occupé ailleurs, passez votre chemin! Cet ouvrage requiert une concentration de tous les instants pour en savourer l'essence.


lundi 11 novembre 2019

Terminus Berlin

Edgar Hilsenrath, Le Tripode Attila, 222pages

Présentation:

" Quand on écrit quelque chose pour se débarrasser l'âme, on en est définitivement libéré. L'écriture est une libération pour moi. " Edgar Hilsenrath
Écrivain de la Shoah et de l'exil, Edgar Hilsenrath livre avec Terminus Berlin son roman le plus poignant, celui du retour désenchanté en Allemagne. Son héros retrouve, comme lui, le pays natal près de trente ans après avoir quitté l'Europe et ses fantômes. Le temps est venu de faire le bilan d'une vie tourmentée.

Fidèle à son humour, Hilsenrath raconte avec un sens aigu de la dérision le destin de son alter ego littéraire. Lesche, traumatisé par son expérience du ghetto, peine à trouver sa place dans un Berlin marqué par le consumérisme et la chute du Mur. Les rencontres improbables et la résurgence glauque du fascisme forment la trame de ce roman publié en Allemagne en 2006.

Lapidaire et ironique, ce texte émeut par la figure de clown triste que l'auteur y révèle. Après l'avoir écrit, Edgar Hilsenrath décida que son œuvre était close. Il n'a plus rien publié depuis.


Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Cet ultime livre d'Edgar Hilsenrath est excellent: un style épuré qui ne s'intéresse qu'aux faits offre au lecteur une analyse clinique du néonazisme allemand. Au fil des rencontres de son héros, Edgar Hilsenrath fait témoigner des survivants de la Shoah. Tous décrivent l'horreur en quelques phrases lapidaires, ce qui provoque un effroi supplémentaire. Dans cette histoire, passé et présent ont pour point commun la langue allemande, indispensable au héros non seulement pour écrire, mais aussi pour vivre (page 155, il le dit lui-même: "Ecrire, c'est vivre").
Mais le héros aura beau faire, il est englué dans l'Histoire, et son destin semble scellé:
Page 116: "Je suis un écrivain allemand et j'ai besoin de la langue allemande. Je ne suis pas revenu pour retrouver les Allemands, mais ma patrie linguistique."
Page 184: "Je ne m'occupe pas trop de religion, dit Lesche. J'appartiens au peuple juif par la destinée commune, le passé commun, l'holocauste.
- Tu ne peux pas te libérer de l'holocauste, dit-elle.
- Je n'en serai jamais libéré, dit Lesche."