lundi 11 novembre 2019

Terminus Berlin

Edgar Hilsenrath, Le Tripode Attila, 222pages

Présentation:

" Quand on écrit quelque chose pour se débarrasser l'âme, on en est définitivement libéré. L'écriture est une libération pour moi. " Edgar Hilsenrath
Écrivain de la Shoah et de l'exil, Edgar Hilsenrath livre avec Terminus Berlin son roman le plus poignant, celui du retour désenchanté en Allemagne. Son héros retrouve, comme lui, le pays natal près de trente ans après avoir quitté l'Europe et ses fantômes. Le temps est venu de faire le bilan d'une vie tourmentée.

Fidèle à son humour, Hilsenrath raconte avec un sens aigu de la dérision le destin de son alter ego littéraire. Lesche, traumatisé par son expérience du ghetto, peine à trouver sa place dans un Berlin marqué par le consumérisme et la chute du Mur. Les rencontres improbables et la résurgence glauque du fascisme forment la trame de ce roman publié en Allemagne en 2006.

Lapidaire et ironique, ce texte émeut par la figure de clown triste que l'auteur y révèle. Après l'avoir écrit, Edgar Hilsenrath décida que son œuvre était close. Il n'a plus rien publié depuis.


Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Cet ultime livre d'Edgar Hilsenrath est excellent: un style épuré qui ne s'intéresse qu'aux faits offre au lecteur une analyse clinique du néonazisme allemand. Au fil des rencontres de son héros, Edgar Hilsenrath fait témoigner des survivants de la Shoah. Tous décrivent l'horreur en quelques phrases lapidaires, ce qui provoque un effroi supplémentaire. Dans cette histoire, passé et présent ont pour point commun la langue allemande, indispensable au héros non seulement pour écrire, mais aussi pour vivre (page 155, il le dit lui-même: "Ecrire, c'est vivre").
Mais le héros aura beau faire, il est englué dans l'Histoire, et son destin semble scellé:
Page 116: "Je suis un écrivain allemand et j'ai besoin de la langue allemande. Je ne suis pas revenu pour retrouver les Allemands, mais ma patrie linguistique."
Page 184: "Je ne m'occupe pas trop de religion, dit Lesche. J'appartiens au peuple juif par la destinée commune, le passé commun, l'holocauste.
- Tu ne peux pas te libérer de l'holocauste, dit-elle.
- Je n'en serai jamais libéré, dit Lesche."

4 commentaires:

  1. J'ai apprécié ce titre aussi, que j'ai trouvé empreint d'une amertume qu'on ne retrouve pas dans ses autres romans, tout en gardant cette férocité qui caractérise les écrits de l'auteur.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, c'est fou, même dans Nuit, il y avait un peu plus de lumière… On sent bien que dans ce dernier livre, sa vision du monde est pessimiste. Par exemple, impossible de témoigner par écrit du génocide arménien, comme le héros le souhaitait, on ne lui en laisse pas le temps, et c'est comme si on étouffait définitivement l'Histoire. Et puis, tant d'autres choses…

      Supprimer
    2. Et tu sais que grâce à ce billet, tu peux participer si tu le souhaites aux "feuilles allemandes" d'Eva et Patrice : https://evabouquine.wordpress.com/2019/10/18/les-feuilles-allemandes-2019/

      Supprimer
    3. Merci pour l'info! Je vais tout de suite aller voir ça - et pêcher de nouvelles envies de lectures, c'est sûr!

      Supprimer