jeudi 30 mai 2019

Dans les bagnes du tsar

H. Leivick, 512 pages, éditions de L'antilope

Présentation de l'éditeur:

H. Leivick décide à 71 ans de revenir sur les années de cachot qu’il a connues à 18 ans, de 1906 à 1912.

Dans une première partie, H. Leivick se souvient des six années passées dans un cachot obscur, de ses camarades de détention, révolutionnaires, juifs et non juifs. Il se souvient également des prisonniers de droit commun, dont certains avaient assassiné des Juifs. Des flash-back sur son enfance, son éducation traditionnelle puis son engagement politique parsèment le récit, alimentés par des dialogues intérieurs émouvants avec son père.

Dans la deuxième partie, H. Leivick raconte le voyage à pied, puis en bateau-prison vers la Sibérie, traversé par une galerie de portraits et de réflexions sur l’existence et la résistance à l’oppression.

Extrait du récit

« Le gardien ouvrit le battant de sa grosse clef et me poussa à l’intérieur. Je me cogne aux ténèbres comme à un mur. Mais ce n’est pas encore la vraie porte. Cette porte mène à une seconde, plus bas. Nouvelle poussée du gardien qui me projette derrière une autre porte blindée qui ne laisse pas passer la moindre trace d’une quelconque lueur.
Il me précipite dans ce nouvel espace. Claque la première et la deuxième portes et les verrouille. Il y règne un silence de mort. C’est la première fois de ma vie que je me trouve dans des ténèbres pareilles, dans une semblable noirceur, dans une éternelle, une inqualifiable nuit.
Je ne savais pas qu’il existait au monde une telle densité de ténèbres. J’ai le sentiment qu’elles percent ma vue, qu’elles s’infiltrent dans mon corps. Elles sont acérées, gluantes, du plomb fondu. Elles me lacèrent le torse et la tête. Elles me glacent, me pétrifient. Je me cogne le visage à cette noirceur et me retourne aussitôt, reste couché sur le dos à demi évanoui. Non pas à cause de la chute ou du froid mais à cause de la puanteur qui m’étouffe et qui remplit cette sorte de tombe.
Je ne sais combien de temps, je suis resté dans cet état à moitié inconscient jusqu’au moment où mes poumons commencent petit à petit à s’habituer à cette puanteur froide de moisi, et mes yeux à cette noirceur inimaginable.  »
Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Un texte très fort où l'auteur redéfinit le mal et le bien, interroge la notion de culpabilité, et rend compte de la rédemption. C'est aussi un formidable témoignage sur les conditions de vie dans un bagne tsariste et sur la déportation en Sibérie, là où les hommes redeviennent "libres" -mais résidents à vie d'un village oublié du monde. J'ai été fascinée par l'entraide entre prisonniers tant au bagne - quand ils sont démunis de tout sauf de paroles consolatrices, de gestes apaisants - que pendant la longue marche vers cette étrange liberté. Il se dégage de l'ensemble une grande compassion et une grande foi en l'homme, bien que l'auteur reste très lucide. Juste avant qu'il soit libéré, il fait le point sur son avenir. Page 471, on peut lire : "Je veux être un poète yiddish. En ce qui concerne le sort des Juifs, j'ai un mauvais pressentiment sur son avenir en Russie."

samedi 25 mai 2019

Contes carnivores

Bernard Quiriny, 224 pages, Points

J'ai lu ce livre dans le cadre de Mai en nouvelles proposé par les blogs  Hop !Sous la couette et La nuit je mens.

Présentation du Seuil:

Un botaniste amoureux de sa plante carnivore ;
Un curé argentin qui a la faculté de se dédoubler dans différents corps ;
Onze écrivains morts que vous n’avez jamais lus ;
Une femme-orange qui se laisse littéralement boire par ses amants;
Une société d’esthètes fascinés par les marées noires ;
Des indiens d’Amazonie qu’aucun linguiste ne comprend ;
Et l’extraordinaire Pierre Gould qui ressurgit sans cesse en héros transformiste…

Quatorze nouvelles fantastiques à l’imagination débridée et au style ciselé, dans la grande tradition des labyrinthes borgésiens et du Passe muraille d’Aymé. Le lecteur attentif croisera aussi l’ombre de Thomas de Quincey, le fantôme de Michel de Ghelderode et celui d’Enrique Vila-Matas, qui s’invite en personne dans la préface.
Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Un style jouissif, des idées à la fois burlesques et inquiétantes, quel régal!

mardi 21 mai 2019

La tresse

Laetitia Colombani, 240 pages, Le livre de poche

Présentation de l'éditeur:

Inde. Smita est une Intouchable. Elle rêve de voir sa fille échapper à sa condition misérable et entrer à l’école.
Sicile. Giulia travaille dans l’atelier de son père. Lorsqu’il est victime d’un accident, elle découvre que l’entreprise familiale est ruinée.
Canada. Sarah, avocate réputée, va être promue à la tête de son cabinet quand elle apprend qu’elle est gravement malade.
Liées sans le savoir par ce qu’elles ont de plus intime et de plus singulier, Smita, Giulia et Sarah refusent le sort qui leur est réservé et décident de se battre. Vibrantes d’humanité, leurs histoires tissent une tresse d’espoir et de solidarité.
Trois femmes, trois vies, trois continents. Une même soif de liberté.

Combien ce livre a fait battre mon cœur:❤️❤️
Commentaire spontané: J'ai lu ce livre dans le cadre d'un club de lecture.
Si l'histoire est assez prévisible, elle fonctionne cependant; hélas, son style ne m'a pas emballée (pas assez littéraire à mon goût). J'ai eu l'impression de lire un scenario ou le squelette d'une histoire. J'avoue quand même avoir été gagnée par une sorte d'empathie pour les personnages au fur et à mesure de la lecture.

dimanche 12 mai 2019

La revanche des princesses

Sandrine Beau, Clémentine Beauvais, Charlotte Bousquet, Alice Brière-Haquet, Anne-Fleur Multon, Carole Trébor, illustrations: Kim Consigny, 208 pages, Poulpe fictions

Présentation de l'éditeur:

6 grandes voix de la littérature de jeunesse.
6 histoires de princesses audacieuses et décalées !
Parce que les princesses ne sont pas toutes de belles endormies, de délicates rêveuses, de romantiques filles sages, ou pas seulement, ou pas toujours… Les princesses prennent leur revanche !
Ici, lassées d’attendre qu’un prince vienne enfin les rejoindre, elles partent elles-mêmes à l’aventure ! Tour à tour espiègles, courageuses et rebelles, au théâtre comme en forêt profonde, rien ne les arrête.
Un beau recueil richement illustré à offrir aux lecteurs à partir de 8 ans, signé par 6 autrices :
Sandrine Beau : « Tapisserie, jarrets dodus & dragon rugissant »,
Clémentine Beauvais : « La Belle et la Bête »,
Charlotte Bousquet : « La Flamme de cristal »,
Alice Brière-Haquet : « #Charming »,
Anne-Fleur Multon : « La Princesse est en colère »,
Et Carole Trébor : « La Princesse aux mille et un reflets ».


Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Un livre qui regroupe des univers extrêmement différents. J'ai personnellement préféré les nouvelles mettant en scène la modernité et l'insolence (Charming, La princesse est en colère et Tapisserie, jarrets dodus & dragon rugissant). Mention spéciale à Sandrine Beau dont le texte militant est absolument irrésistible.

mercredi 8 mai 2019

Kidnapping à la confiture

Marie Lenne-Fouquet, Illustrations: Eglantine Ceulemans, 208 pages, Collection Pépix, Sarbacane

Présentation de l'éditeur:

Ils ont 11 ans, des prénoms improbables et chacun son handicap : Césarine est malentendante, Chris hyper-myope et Darian d’une timidité maladive. Rien qui ne les empêche, cependant, d’avoir des idées formidables pour s’occuper… comme tartiner de beurre la maison d’un de leurs voisins !
Arrêtés par les gendarmes, les enfants écopent de travaux d’intérêt général dans une maison de retraite.
Quel cauchemar… Ils y rencontrent Ernest, Huguette et Lulu, trois vieux cascadeurs loufoques, ainsi que l’infirmier qui les terrorise aussitôt, le King.

Combien ce livre a fait battre mon cœur:❤️❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Pas un temps mort et de l'humour à gogo. J'en redemande!
Les plus:
- Des héros pour certains handicapés, pour d'autres malades, mais qui en ont sous le capot!
- Une plume alerte.

mardi 7 mai 2019

Où sont les filles?

Claire Renaud, Illustrations: Eglantine Ceulemans, 189 pages, Collection Pépix, Sarbacane

Présentation de l'éditeur:

Ondine vit avec sa grand-mère, sa mère et sa soeur. A l'école, elle remarque un beau garçon qu'elle n'ose aborder. Le soir, elle fait un voeu. Apparaît alors, Misteress Smith, un étrange personnage coiffé d'un haut-de-forme. Le lendemain, toutes les filles sont devenues des garçons et ne se rendent compte de rien. 

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Une histoire originale et rondement menée, portée par une plume drôle et subtile. Les plus: sa palette élargie de vocabulaire, une intrusion dans la mythologie et des citations de philo!

dimanche 5 mai 2019

Le chandelier enterré

Stefan Zweig, 252 pages, Les cahiers rouges, Grasset

J'ai lu ce livre dans le cadre du challenge Mai en nouvelles proposé par Hop! Sous la couette et La nuit je mens.

Présentation de l'éditeur:

Les trois nouvelles de ce recueil procèdent de l'inspiration mystique, qu'elle provienne de la tradition juive ("le Chandelier enterré", "Rachel contre Dieu") ou des légendes hindoues ("Virata"). Zweig, conteur, historien et penseur a écrit une apologie de l'humilité.

Combien ce livre a fait battre mon cœur:❤️❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Une valeur sûre! Ces histoires m'ont vraiment fait penser au roman Siddhartha d'Hermann Hesse: même écriture, même inspiration mystique.

samedi 4 mai 2019

Frères

David Clerson, 148 pages, Héliotrope

Présentation de l'éditeur:

Deux frères ont pour terrain de jeu les marais côtiers et pour jouets les os d’animaux charriés par les vagues. Un jour, ils prendront le large pour retrouver leur chien de père, homme de passage venu de la mer et vite reparti. Une odyssée fraternelle débutera alors, amenant l’aîné à perdre son humanité et à découvrir le goût du sang. Car il faut bien survivre quand la violence du monde risque de vous engloutir.

Roman d’aventures, Frères entraîne le lecteur dans des paysages marécageux peuplés de corbeaux, d’enfants-sangsues, d’un pantin de bois, de vieilles chèvres, et sur un océan agité par de furieuses tempêtes. Avec toujours, même au coeur de l’apocalypse, l’envie du bonheur et de l’enfance ancrée au fond des corps.

« Glauque, cruel, féroce : Frères serait un roman sans pitié si chacune de ses parts d’ombre n’était illuminée par l’écriture limpide et rédemptrice de David Clerson, qui donne à l’amour fraternel ses lettres de noblesse. » – Martine Desjardins, L’actualité


Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Une histoire brutale et originale où hommes et animaux se confondent sans cesse. Une intéressante réflexion sur la part d'animalité qui nous habite. Un très beau texte difficile à lâcher.

vendredi 3 mai 2019

Saules aveugles, femme endormie

Haruki Murakami, 512 pages, 10/18

Premier livre du challenge Mai en nouvelle proposé par Hop, sous la couette! et La nuit, je mens

Présentation de l'éditeur:

Conteur hors pair, Haruki Murakami explore dans ces vingt-trois nouvelles délicatement ciselées, une multitude de mondes oscillant perpétuellement entre le réel et le rêve. Parmi ces vies suspendues, de troublants portraits : un homme d'affaires hanté par son premier amour, un couple adultérin réfugié sur une île grecque, un homme obsédé par les spaghettis, ou encore un gardien de nuit poursuivi par son reflet... Qu'ils guettent un présage ou un miroir, la mort ou un kangourou, tous sont empreints d'une mélancolie poétique qui fascine et résonne en chacun de nous.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️
Commentaire spontané: J'ai lu ce livre dans le cadre du challenge Mai en nouvelle. Toutes les nouvelles m'ont paru d'une lecture plaisante. Je m'attendais à ce que ça bascule davantage dans le merveilleux, le fantastique, mais non, et en cela, je suis souvent restée sur ma faim. Un peu comme dans la vie, finalement, où parfois on croit lire des signes dans l'enchaînement des événements, cependant, on reste impuissant à les interpréter.