lundi 30 septembre 2019

Le fossé

Herman Koch, Belfond, 312 pages

Présentation de l'éditeur:
Dans la veine du Dîner, une comédie noire au suspense redoutable où il est question – entre autres – des affres de la vie conjugale, de la disparition d'un chat, de préjugés racistes, d'un François Hollande en goguette, de la finitude de l'univers, de tri des déchets... le tout sur fond de satire sociale acerbe.
Maire d'Amsterdam, aimé du petit personnel et respecté des puissants de ce monde, époux comblé, heureux père d'une adolescente, Robert peut savourer pleinement le sentiment d'une vie accomplie.

Jusqu'au jour où, lors d'une soirée officielle, il aperçoit sa femme, Sylvia, rire à gorge déployée avec son adjoint à la mairie, le pourtant très insignifiant Maarten Van Hoogstraten. Tiens, il ne les savait pas si proches. Complices, même. Et si... Non, son imagination lui joue des tours. D'ailleurs, Sylvia se comporte de manière on ne peut plus normale ces derniers temps. On pourrait même dire qu'elle n'a jamais été aussi normale. Mais justement, ne devrait-il pas s'en inquiéter ?

Et voilà, le doute s'installe, le fossé se creuse. Et tandis que ses parents, un couple de nonagénaires énergiques, lui annoncent leur décision de mettre fin à leurs jours, c'est tout son équilibre – et sa belle assurance – qui menacent de voler en éclats.



Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Herman Koch a encore frappé! Ce nouveau livre est caustique à souhait. On rit - jaune. Tout le monde en prend pour son grade (les politiques, les végans, les grands blonds, les petits bruns, etc.). Ce qui me plaît particulièrement chez cet auteur, c'est qu'il manie avec aisance l'ironie et qu'il est capable de nous emmener dans des considérations de haut vol à partir d'une anecdote futile. J'étais fort triste en tournant la dernière page que l'histoire soit déjà terminée!

De pierre et d'os

Bérengère Cournut, Le Tripode, 220 pages

Présentation de l'éditeur:

« Les Inuit sont un peuple de chasseurs nomades se déployant dans l'Arctique depuis un millier d'années. Jusqu'à très récemment, ils n'avaient d'autres ressources à leur survie que les animaux qu'ils chassaient, les pierres laissées libres par la terre gelée, les plantes et les baies poussant au soleil de minuit. Ils partagent leur territoire immense avec nombre d'animaux plus ou moins migrateurs, mais aussi avec les esprits et les éléments. L'eau sous toutes ses formes est leur univers constant, le vent entre dans leurs oreilles et ressort de leurs gorges en souffles rauques. Pour toutes les occasions, ils ont des chants, qu'accompagne parfois le battement des tambours chamaniques. » (note liminaire du roman) Dans ce monde des confins, une nuit, une fracture de la banquise sépare une jeune femme inuit de sa famille. Uqsuralik se voit livrée à elle-même, plongée dans la pénombre et le froid polaire. Elle n'a d'autre solution pour survivre que d'avancer, trouver un refuge. Commence ainsi pour elle, dans des conditions extrêmes, le chemin d'une quête qui, au-delà des vastitudes de l'espace arctique, va lui révéler son monde intérieur. Deux ans après son roman Née contente à Oraibi, qui nous faisait découvrir la culture des indiens hopis, Bérengère Cournut poursuit sa recherche d'une vision alternative du monde avec un roman qui nous amène cette fois-ci dans le monde inuit. Empreint à la fois de douceur, d'écologie et de spiritualité, De pierre et d'os nous plonge dans le destin solaire d'une jeune femme eskimo. Édition augmentée d'un cahier de photographies.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Cette histoire atypique et intemporelle nous plonge dans l'âme inuite. Merci, Bérengère Cournut, d'avoir su tirer un si bon profit de votre résidence d'écriture au sein des bibliothèques du Muséum National d'Histoire Naturelle. Avec ce livre, on fait un voyage profondément humain, entre failles et grandeurs au beau milieu d'une nature prépondérante.
Mention spéciale pour la couverture, que je trouve admirable et remarquablement adaptée à l'atmosphère du texte.

lundi 23 septembre 2019

Le grand cahier

Agota Kristof, Points, 192 pages

Présentation de l'éditeur:

Dans un pays ravagé par la guerre, Claus Et Lucas font l'apprentissage de la vie, de l'écriture et de la cruauté.
Premier roman d'une émigrée hongroise installée en Suisse, Le Grand Cahier est également le premier volet d'une trilogie qui comprend La Preuve et Le Troisième Mensonge.

L'œuvre d'Agota Kristof est aujourd'hui éditée dans une quinzaine de pays.


Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Un texte très violent par le fond et aussi par la forme que je n'ai pas pu m'empêcher d'assimiler à un rapport d'autopsie - sans doute celle d'une société adulte malade où les enfants deviennent eux-mêmes des bourreaux. Glaçant et fascinant.

jeudi 19 septembre 2019

Un monstre et un chaos

Hubert Haddad, Zulma, 368 pages

Présentation de l'éditeur:

Lodz, 1941. Chaïm Rumkowski prétend sauver son peuple en transformant le ghetto en un vaste atelier industriel au service du Reich. Mais dans les caves, les greniers, éclosent imprimeries et radios clandestines, les enfants soustraits aux convois de la mort se dérobent derrière les doubles cloisons… Et parmi eux Alter, un gamin de douze ans, qui dans sa quête obstinée pour la vie refuse de porter l’étoile. Avec la vivacité d’un chat, il se faufile dans les moindres recoins du ghetto, jusqu’aux coulisses du théâtre de marionnettes où l’on continue à chanter en sourdine, à jouer la comédie, à conter mille histoires d’évasion.

Hubert Haddad fait resurgir tout un monde sacrifié, où la vie tragique du ghetto vibre des refrains yiddish. Comme un chant de résistance éperdu. Et c’est un prodige.


Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️
Commentaire spontané: Dans cette histoire, tous les éléments semblaient réunis pour me plaire: une écriture exigeante, mon thème de prédilection, jusqu'à la localisation qui m'était chère; pourtant je suis allée au bout avec difficulté. Une fois le livre refermé, j'ai pris pleinement conscience qu'il n'était pas pour moi. La richesse de l'écriture a creusé un fossé entre le récit et moi, ce qui fait que j'ai eu un mal de chien à ressentir de l'empathie pour le personnage principal, un comble! Pourtant, je garde de jolies phrases comme celles-ci, page 240:
"Sauve-toi, sauve-toi le plus loin que tu peux!" Va-t'en de ton pays, du lieu de ta naissance et de la maison de ton père.

mardi 10 septembre 2019

La mer à l'envers

Marie Darrieussecq, P.O.L, 256 pages

Présentation de l'éditeur:

Rose part en croisière avec ses enfants. Elle rencontre Younès qui faisait naufrage. Rose est héroïque, mais seulement par moments.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️
Commentaire spontané: L'histoire banale d'une femme qui doute de la tournure que prend sa vie et qui se cherche. Le style m'a laissée parfois dubitative:  il y a beaucoup d'ellipses et d'énumérations qui grammaticalement ne fonctionnent pas toujours, mais à travers elles, l'auteure impose un style branlant qui nous maintient dans l'inconfort et l'incertitude, thèmes récurrents de ce roman.

vendredi 6 septembre 2019

La petite conformiste

Ingrid Seyman, Philippe Rey, 192 pages

Présentation de l'éditeur:

Esther est une enfant de droite née par hasard dans une famille de gauche, au mitan des années 70. Chez elle, tout le monde vit nu. Et tout le monde – sauf elle – est excentrique.


Sa mère est une secrétaire anticapitaliste qui ne jure que par Mai 68. Son père, juif pied-noir, conjure son angoisse d’un prochain holocauste en rédigeant des listes de tâches à accomplir. Dans la famille d’Esther, il y a également un frère hyperactif et des grands-parents qui soignentleur nostalgie de l’Algérie en jouant à la roulette avec les pois chiches du couscous. Mais aussi une violence diffuse, instaurée par le père, dont les inquiétantes manies empoisonnent la vie de famille.


L’existence de la petite fille va basculer lorsque ses géniteurs, pétris de contradictions, décident de la scolariser chez l’ennemi : une école catholique, située dans le quartier le plus bourgeois de Marseille.


La petite conformiste est un roman haletant, où la langue fait office de mitraillette. Il interroge notre rapport à la normalité et règle définitivement son sort aux amours qui font mal. C’est à la fois drôle et grave. Absurde et bouleversant.


Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Bonne surprise que ce premier roman! Le ton est vif, drôle, et se fait de plus en plus mordant à mesure que les mois passent, révélant les failles d'un père déraciné, traumatisé par un événement morbide vécu dans son adolescence en Algérie - alors française -, et qui entraîne sa famille dans le chaos. J'ai tourné les pages de ce roman avec un plaisir juvénile. Bien joué, Ingrid Seyman!

dimanche 1 septembre 2019

La bouche pleine de terre

Branimir Scepanovic, éditions Tusitala, 136 pages

Présentation de l'éditeur:

Un homme court, seul. Deux chasseurs qui campent par là le voient passer. Surpris de cette intrusion, « comme enivrés par l'âcre odeur de la forêt », ils décident de le rattraper. L'homme repart, les deux chasseurs sur ses talons. S'ensuit une battue farouche, où l'incompréhension se mue en haine.
Intrigue dépouillée à l'extrême mais d'une infinie complexité secrète, La Bouche pleine de terre est une œuvre inclassable qui oscille entre fantastique, absurde et réalisme ; entre allégorie, roman ou conte.
Comme dans le texte qui l'accompagne, La Mort de M. Goluža, autre histoire d'un intrus qui bouleverse le monde dans lequel il surgit, Branimir Šcepanovic fait admirer son style saisissant et son imagination débridée. Deux textes inoubliables, tendus par une angoisse croissante, qui contemplent l'existence humaine d'un œil mi-amusé, mi-résigné.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️❤️
Commentaire spontané: Ce n'est pas seulement une démonstration éclatante de notre bêtise, c'est aussi un vibrant plaidoyer qui nous engage à croquer la vie à pleines dents. Formidable.