jeudi 28 juillet 2022

Du côté de chez Swann

 

Proust, Folio classique, 720 pages

De quoi s'agit-il:

Le Narrateur se souvient de l'enfant qu'il fut. L'attente du baiser maternel du soir, les déjeuners du dimanche chez tante Léonie, les cadeaux de la grand-mère. Il est fasciné par M. Swann, un ami de ses parents, amoureux fou d'une femme qui aime tout le monde sauf lui. Il tombe amoureux de sa fille, Gilberte, qui ne le rendra pas plus heureux. A travers ces scènes de vies - intimes ou mondaines, tragiques ou comiques - passent des impressions, des parfums, des visions. Des nymphéas à la surface d'une rivière, une madeleine oubliée dans une tasse de thé, des catleyas dans les cheveux d'une femme aimée, une bille d'agate offerte en gage d'amitié... Mais, une fois adulte, comment demeurer cet enfant émerveillé dans un monde que l'on ne reconnait plus, où l'amour est souffrance, où le désir est jalousie, où "le souvenir d'une certaine image n'est que le regret d'un certain instant" ? Réminiscences de l'enfance perdue, roman d'amour impossible, satire de la haute société emprisonnée dans l'éphémère de la mode, mais aussi étude philosophique sur la mémoire involontaire : Du côté de chez Swann est tout cela à la fois. Qu'est-ce qu'un chef-d'œuvre ? Un palais du souvenir, aux mille portes d'entrée, où chaque lecteur éprouve une émotion singulière, toujours renouvelée.

Ma petite bafouille:


Dans tous les clubs de lecture que j'ai fréquentés, il y a toujours eu ce fameux moment où l'on mentionnait Proust… sans jamais l'avoir lu! En effet, après un rapide sondage, personne n'avait jamais mis le nez dans La recherche; de ce fait, je me suis toujours promis qu'un été, je me plongerai dedans.  

Réputé difficile d'accès, j'appréhendais les premières pages, que dis-je, les premières lignes! Finalement, tout s'est bien passé: il convient certes d'être concentré, car ce n'est pas une vue de l'esprit : les phrases sont longues, mais lorsque l'on est un bon lecteur, cela ne pose pas de difficultés particulières.

Ceci étant dit, j'ai fort apprécié le style.  Proust conçoit son univers comme un tout où se mélangent couleurs, sons, odeurs, etc. Tous les sens sont sollicités et s'amalgament pour évoquer l'enfance, un moment, une personne, une chose, un lieu, un mot. 

Je sais déjà quelle sera l'une de mes lectures de l'été 2023: À l'ombre des jeunes filles en fleurs !

Juive et républicaine, l'école Maïmonide

 

Joseph Voignac, L'antilope, 224 pages

De quoi s'agit-il:

“Après plus de cinq années de recherches, j'ai réuni un spectre suffisamment large de profils, d'expériences et d'opinions pour dévoiler l'histoire de l'école Maïmonide et ce qu'elle révèle de la diversité de l'existence juive en France depuis le début du XXe siècle.”
Joseph Voignac
Dans une démarche à la fois historique et sociologique, l'ouvrage retrace l'histoire de l'école Maïmonide, qui allie depuis presque 90 ans éducation républicaine et éducation juive.
Créée en région parisienne en 1935, elle a traversé les traumatismes et les bouleversements qui ont agité la vie et l'identité des Juifs en France tout au long du XXe siècle. Elle a vu passer des personnalités aussi différentes qu'Elie Wiesel, Serge Klarsfeld, Daniel Sibony ou Daniel Cohn-Bendit dont la mère y a été intendante.

Ma petite bafouille:

Totale découverte. En lisant la 4ème de couverture, je n'étais pas certaine de me passionner pour cet ouvrage, car le sujet me semblait relever d'une niche dans laquelle seuls les anciens élèves seraient heureux de mettre leur nez.

Dès les premières pages, j'ai été happée; impossible ensuite de lâcher ma lecture. Pourquoi? Parce qu'en dehors de nous conter l'histoire d'une école, l'auteur nous raconte l'évolution de la société française, ses changements de position envers les juifs, et les changements des juifs eux-mêmes amenés à réagir aux événements du temps. Cette double interaction est passionnante et rapportée de manière efficace. 

Mon premier coup de cœur de l'été !

Les affamés et les rassasiés

 

Timur Vermes, 10/18, 624 pages

Traduit de l'allemand par Mathilde Sobottke

De quoi s'agit-il:

Tourner une téléréalité dans un camp de réfugiés ? Une nouvelle satire grinçante par l'auteur de Il est de retour.

L'ambitieuse Nadeche Hackenbusch, présentatrice allemande d'un show téléréalité intitulé " Ange de la misère ", est envoyée en Afrique dans le plus grand camp de réfugiés du monde. Les premiers temps, tout fonctionne à merveille, l'argent coule à flots pour la boîte de production : la détresse des affamés émeut le public. Pour notre starlette, c'est " Rendez-vous en terre inconnue ", et elle vaque, conquise, à ses nouvelles occupations : aller chercher de l'eau et du bois, visiter un hôpital, faire la cuisine avec une famille de migrants.
Mais quand la belle tombe amoureuse d'un certain Lionel, et que ledit Lionel ne rêve que d'une chose, quitter le camp et rejoindre l'Allemagne, les choses se compliquent. Et elles se compliquent plus encore quand Lionel décide d'organiser une gigantesque marche de migrants pour l'Europe.
Une horde d'envahisseurs venus d'ailleurs prêts à franchir les portes de l'Europe et de l'Allemagne ? Jamais ! Les politiciens tentent de trouver des solutions : fermer les frontières ? Construire un mur ? Et puis, bien sûr, tout dérape.

Ma petite bafouille:

J'ai moins accroché que pour Il est de retour. Il faut dire que les occidentaux présentés sont particulièrement exaspérants, mais on est dans une satire, ont doit passer outre pour accéder au message porté par le texte. Je n'ai néanmoins pas boudé mon plaisir. La fin oscille entre le tragicomique et le gore. Âmes sensibles, vous êtes prévenues!

Helena Rubinstein, la femme qui inventa la beauté

 

Michèle Fitoussi, Le Livre de Poche, 608 pages


De quoi s'agit-il:

Avant d'incarner une marque de cosmétiques, Helena Rubinstein eut un destin. Et quel destin, quelle incroyable aventure ! On connaissait la milliardaire couverte de bijoux peinte par Dalí ou Picasso, l'impératrice de la beauté, mais que savait-on que cette «Hearst à l'échelle féminine»? Née en 1872 dans le quartier juif de Cracovie, aînée d'une famille de huit filles, Helena sut dire non aux conventions. Elle resta libre et imposa sa vision. De l'Australie, où elle s'exila à l'âge de 24 ans, à New York où elle mourut princesse cosmopolite à 93 ans, la vie d'Helena Rubinstein fut un roman. Un roman où se croisent tous les talents de l'époque, de Poiret à Chanel en passant par Louise de Vilmorin, une saga éblouissante, faite de krachs boursiers et de chagrins d'amour, de drames conjugaux et de diamants croqués.

Ma petite bafouille:

J'ai lu ce livre dans le cadre d'un club de lecture.

Je ne suis pas fan de ce genre de sujet. Après un début qui a réussi à m'intéresser, j'ai vite décroché, malgré la qualité littéraire du texte.


De tes yeux, tu me vis

 

Sjón, Rivages, 320 pages

Traduuit de l'islandais par Eric Boury

De quoi s'agit-il?

En un lieu non précisé - on imagine que c'est en Islande, à moins qu'il ne s'agisse d'un de ces non-lieux qu'on rencontre dans certains textes de théâtre moderne - un narrateur raconte à son amie l'histoire de son père, un Juif allemand, échappé d'un camp de concentration et rattrapé par deux individus dont on ignore la qualité et les motivations, mais qui souhaitent manifestement découvrir un secret dont ils le croient détenteur. Cet homme dont on ne connaît pas le nom est déposé par les deux individus dans le cellier d'une pension de famille et sera sauvé par les occupants de l'établissement. A l'intérieur d'un espace dissimulé entre les cloisons de deux chambres, celui que tous les autres personnages appellent le malheureux va vivre quelques jours seul à seul en compagnie de Marie-Sophie, une jeune femme chargée de le soigner et ils vont fabriquer ensemble un enfant d'argile qui deviendra le narrateur.
Le lecteur fait graduellement connaissance avec les habitants du village et ceux de la pension Vrieslander : un serveur, une cuisinière, un patron alcoolique et sa femme matrone, un commis adolescent et taraudé par le désir, un vieillard concupiscent, le petit ami de Marie-Sophie. Parallèlement, Sjón nous emporte dans d'autres histoires : il mêle à cette trame historique des récits populaires, des contes rédigés sur un mode parodique, il y intègre le « relevé des rêves » des habitants de la petite ville de Kükenstadt dont il retrace les origines pseudo-mythiques avec beaucoup d'humour, des textes aux résonnances bibliques, des chansons, des histoires d'anges, d'archanges et d'anges déchus, des parodies de psaumes...

Le sujet est grave. Nous sommes plongés dans l'atmosphère de l'Allemagne nazie : nous reconnaissons certains personnages historiques sans qu'ils soient directement nommés, nous naviguons entre les références picturales à l'art « dégénéré », celles cinématographiques à M le Maudit de Fritz Lang, celle, biblique, au mythe du golem : tout cela est suggéré, jamais nommé.

Ma petite bafouille:

Seconde tentative avec cet auteur. Encore une fois,  le sujet m'intéresse, hélas, je n'ai toujours pas accroché. De ce fait, je ne lirai pas Sur la paupière de mon père du même auteur, et qui attendait son heure dans ma bibliothèque.

Blond comme les blés

 

SjÓn, Métaillé, 128 pages

Traduit de l'islandais par Eric Boury.

De quoi s'agit-il:

Reykjavik, après la Seconde Guerre mondiale.
Gunnar Kampen est un « un jeune homme travailleur et attentif qui se passionne pour l’histoire de l’humanité et de sa nation ». Il a une mère et deux sœurs qui l’aiment depuis l’enfance et lui-même est un frère et un fils attentionné.
Au printemps 1958, il fondera le parti politique antisémite des nationalistes et se dévouera pour contribuer à l’organisation internationale du mouvement néonazi, en pleine croissance.
Dans un texte qui oscille entre une mosaïque d’images d’enfance poétiques, un recueil épistolaire qui suit l’évolution d’un engagement politique et la création d’un parti d’extrême droite, Sjón examine le parcours d’une vie, d’une époque et d’une radicalisation rythmée par la simplicité absolue de son quotidien.
Faux thriller où le protagoniste est retrouvé mort dès le premier paragraphe, Blond comme les blés est une œuvre limpide, un écho de la banalité du mal d’Hannah Arendt sous les apparences d’un roman nordique. Un livre troublant et terriblement actuel par l’un des plus importants auteurs islandais contemporains.

Ma petite bafouille:

Malgré un sujet qui me passionne, je n'ai pas accroché.

La stupeur

 

Aharon Appelfeld, L'oliver, 256 pages

Traduit de l'hébreu par Valérie Zenatti

De quoi s'agit-il:

Un matin, Iréna découvre ses voisins juifs alignés devant l'entrée de leur magasin. Un gendarme les tient en joue : ordre des Allemands. Le lendemain, ils sont agenouillés, brutalisés, avant d'être assassinés. Leur magasin est pillé. Dans ce village ukrainien, la catastrophe est en marche, et elle provoque chez la jeune paysanne un sursaut. L'effroi de ne pas avoir pu secourir ses voisins se double de celui que lui inspire son mari, une brute qui la maltraite. Il faut partir.
Commence alors une longue errance aux accents prophétiques. De village en village, Iréna proclame que le Christ était juif, et que lever la main sur ses descendants est un crime inexpiable. Menacée par les hommes et protégée par les femmes – paysannes, aubergistes ou prostituées –, Iréna accomplira son destin jusqu'au bout.
« L'Histoire est un cauchemar dont je cherche à m'éveiller », a écrit James Joyce.
Dans ce dernier roman publié de son vivant, Aharon Appelfeld relève le défi : La Stupeur plonge ses racines dans ce qu'il y a de plus archaïque en l'homme – la soif de détruire et le besoin de réparer.

Ma petite bafouille:

Ca devient difficile d'être objective : je suis vraiment très admirative du travail de cet auteur qui ne m'a jamais déçue.