lundi 29 mars 2021

La cicatrice

 

Bruce Lowery, J'ai Lu, 128 pages

Résumé:

"J'étais, sans le savoir, un enfant heureux, relativement heureux, il est vrai. Mais ce n'était qu'une impression d'ensemble. Car ma vie, même alors, ne manquait pas de petits malheurs auxquels je n'arrivais pas à m'habituer. Il faut remonter à novembre 1944. J'avais treize ans." Jeff porte sur la lèvre un petit bec-de-lièvre que tout le monde nomme la "cicatrice". Une infirmité dont il ne connaît pas la cause et qui lui vaut moqueries et méchancetés de toutes sortes. Parce qu'il ne sait s'en défendre, il intériorise toute cette douleur, toutes ces blessures morales répétées. A cet âge si sensible, s'enfermant peu à peu, il souffre et fait souffrir ceux qui l'aiment sans réserve...

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️❤️

Commentaire spontané:

Bruce Lowery nous guide dans les failles de l'enfance comme personne et nous offre une brillante démonstration des démons auxquels elle est confrontée.

Mon intérêt pour l'histoire a monté crescendo. Au moment du dénouement final j'ai eu un violent pincement au cœur.

Ce livre prend directement le chemin de ma bibliothèque idéale.

lundi 22 mars 2021

Le lièvre d'Amérique

 

Mireille Gagné, La Peuplade, 160 pages


Présentation:

L’organisme de Diane tente de s’adapter doucement. Elle dort moins, devient plus forte et développe une endurance impressionnante. L’employée modèle qu’elle était peut encore plus se surpasser au travail. Or des effets insoupçonnés de l’intervention qu’elle vient de subir l’affolent. L’espace dans sa tête se resserre, elle sent du métal à la place de ses os. Tout est plus vif – sa vision, son odorat, sa respiration. Comble de la panique, ses cheveux et ses poils deviennent complètement roux en l’espace d’une nuit. Et puis les mâles commencent à la suivre.

 

Quinze ans plus tôt, Diane connaît un été marquant de son adolescence à l’Isle-aux-Grues, ces jours de grosse mer où Eugène bravait les dangers, la fascination de son ami pour les espèces en voie d’extinction et – comment s’en remettre – le soir de l’incendie.

 

Ce roman, une fable animalière néolibérale, s’adresse à celles et ceux qui se sont égarés.

 

PRIX ET DISTINCTIONS

Lauréate d’Une ville, un livre 2021 (Québec)

Finaliste du Prix Wepler – Fondation La Poste (France)

Finaliste du Prix Les Inrockuptibles, catégorie Premier roman (France)

Finaliste du Prix littéraire François Sommer (France)

Finaliste du Prix Première Plume Furet du Nord – Decitre (France)

Liste préliminaire 2021 du Prix des libraires du Québec, catégorie Roman-Nouvelles-Récit québécois

Deuxième sélection du Prix libr’a Nous (France)

Première sélection du Prix Libraires en Seine 2021 (France)

Première sélection du Prix L’Impromptu du premier roman (France)

Finaliste du Prix Régine Desforges 2021 (France)

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️

Commentaire spontané: 

Une fable à la Kafka qui m'a fait passer un bon moment de lecture.

dimanche 21 mars 2021

Tunnels

 

Rutu Modan, Actes Sud BD, 288 pages
Traduction: Rosie Pinhas-Delpuech 


Résumé:





Des archéologues israéliens et des passeurs clandestins palestiniens percent le sol de la Terre sainte chacun de leur côté du Mur. Les deux équipes se rencontreront à la croisée des tunnels dans un récit politicoburlesque orchestré par Rutu Modan.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️❤️

Commentaire spontané:

Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Tintin en me plongeant dans cette BD, non pas à cause de l'héroïne - et encore, cela se discute -, mais bien à cause du trait: la ligne claire, bien entendu. Je me suis délectée de cette nostalgie inattendue née de l'atmosphère générée par le tout, car l'histoire n'est pas mal non plus: elle nous offre une quête éternelle dans un pays divisé entre deux peuples, chacun réclamant la primauté historique de la terre.


samedi 20 mars 2021

Le nuage et la valse

 

Ferdinand Peroutka, La Contre Allée, 576 pages, traduction: Hélène, Belletto-Sussel

Résumé:

« L’  histoire » n’  a rien d’  un récit linéaire. L’  unité est assurée par la thématique. Entre le prologue, où le lecteur fait connaissance avec un peintre raté errant par les rues de Vienne, et l’  épilogue, à la fois apaisé et inquiétant, il y a les camps, mais pas seulement. Karel Novotný, employé de banque aisé, interné par erreur, constitue le fil directeur. Mais il n’est pas ce que l’ on appelle un personnage central, car dans ce carrousel, chacun, à un moment ou à un autre, se trouve dans le faisceau de lumière projeté par Peroutka sur les situations. 

Le rythme est nerveux, la caméra bouge tout le temps, d’ un lieu à l’ autre, d’  une personne à l’ autre, offrant une vision à la fois kaléidoscopique et panoramique. Peroutka, journaliste expérimenté, livre des faits. Malgré l’ apparente sécheresse de ton, le refus de tout pathos, la volonté de distance et de neutralité, une grande émotion se dégage du récit. Comme jouant avec un élastique, Peroutka tire et relâche la tension. Ces hommes et ces femmes ne sont pas des héros, ou alors malgré eux, sans le savoir. Ils sont simplement des humains, ils traversent la vie, ridicules, admirables, répugnants, tragiques, et l’ensemble, mine de rien, est bouleversant. C’ est la grande histoire arrachée au plus profond de la vie telle qu’  elle fut, telle qu’ elle est, cristallisée là dans le microcosme des camps. 

 Ferdinand Peroutka aborde, avec Le Nuage et la valse, des thèmes rarement abordés dans la littérature concentrationnaire de la Seconde Guerre mondiale, que sont le cannibalisme et la prostitution.


Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️

Commentaire spontané: 

Je ne remercierai jamais assez Valérie Zenatti d'avoir mis en lumière ce titre qui était passé un peu sous les radars des critiques à sa sortie. C'est pourtant un ouvrage bien au-dessus de la mêlée tant du point de vue qualitatif que quantitatif (il n'est pas de période plus propice pour se plonger dans un pavé que celle-ci, où l'on a du temps devant soi). Sa structure foisonne de personnages qui traversent la guerre avec plus ou moins de bonheur. On y croise toutes sortes de profils (des juifs - dont un converti -, un chef de la gestapo, un chien, des résistants, des nazis par conviction ou opportunisme). Même Hitler et Eva Braun sont mis en scène ! Des microfictions s'insèrent parfois dans cette ample fresque. C'est tout simplement brillant !

Bref, ce livre n'est pas loin de rejoindre ma bibliothèque idéale…

mercredi 10 mars 2021

Paria

Richard Krawiec, éditions Tusitala, 220 pages
Traduction: Charles Recoursé

Résumé:

Stewart Rome, ancien maire accusé de corruption, se rappelle le sordide fait divers qui a marqué son adolescence et bouleversé sa vie, alors qu'il n'était encore que le jeune Stewie, timide et empoté. En 1967, Masha, dont il était fou amoureux, est sauvagement agressée dans le sous-sol de son lycée. Un lycéen noir est rapidement arrêté. Est-il le vrai coupable ? De quoi se souvient réellement Stewart ? Raconté par un narrateur trouble aux intentions incertaines, Paria parvient à mettre à jour l'engrenage de la haine. Derrière l'incandescence des premières émotions adolescentes, il ausculte les terribles rouages d'une ville apeurée, minée par le rejet de l'autre, qui se nourrit des parias qu'elle génère. Derrière le décor sixties, c'est bien les racines de l'Amérique d'aujourd'hui que déterre Richard Krawiec.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️❤️

Commentaire spontané: 
Je me suis pris cette lecture comme un coup de poing: j'ai eu mal et je me suis sentie ébranlée. Un page-turner qui va me marquer durablement.

dimanche 7 mars 2021

Taches de naissance

 

Arnon Grunberg, éditions Héloïse d'Ormesson, 448 pages


Résumé:

La maladie est une réponse que l'on invente à une souffrance

Divorcé et sans enfant, Kadoke est psychiatre, spécialisé dans la prévention des suicides. Quand il n'est pas à l'hôpital, il veille sur sa mère grabataire avec une dévotion absolue. En un mot, son quotidien est une variation sur la mort. Un soir, Kadoke commet la fâcheuse erreur de coucher avec l'auxiliaire de vie népalaise de sa mère. Il doit la remplacer d'urgence. C'est alors qu'il propose à une patiente multirécidiviste une thérapie alternative d'un genre particulier…

As de l'intrigue loufoque, Arnon Grunberg signe un roman troublant sur les mécanismes de la psyché et soulève des questions essentielles d'une plume chirurgicale et distancée. Peut-on aimer sans asservir ? Dans quelle mesure est-on responsable de son destin ? Mélancolique et personnel, Taches de naissance est aussi un cri du cœur à la mère perdue, ressuscitée à travers ces lignes.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️

Commentaire spontané: 

C'est toujours un bonheur de se plonger dans un roman d'Arnon Grunberg. Cet auteur nous décline sa complainte favorite : comment vivre? Dans son dernier roman, la question de l'identité juive est sous-jacente. Mais à un moment avancé du récit, le héros en vient quand même à se dire que ses parents n'auraient pas dû survivre aux camps et que lui-même n'aurait pas dû voir le jour. Voilà qui n'est pas rien ! Ajouter à cela la crise identitaire que traverse son père, reconverti en sa mère depuis le décès de cette dernière. Un peu comme si la mort devait être effacée. Comme si un traumatisme de longue date n'était pas résolu… Bref, Arnon Grunberg nous livre un roman encore très psychanalytique (le héros est un psy soit dit en passant), une histoire à tiroirs où chacun selon sa sensibilité et son intimité avec le monde juif découvrira de petits trésors.

L'un des miens, page 292:

"Nous ne vivons pas parce que la vie est vivable. Nous vivons malgré le soupçon qu'elle ne l'est pas."