jeudi 30 décembre 2021

Le dernier des justes

 

André Schwarz-Bart, Points, 448 pages

De quoi s'agit-il?

En 1943, Ernie Levy est au seuil du camp de concentration de Drancy. Il est le dernier maillon d'une très longue lignée de Justes, commencée au douzième siècle. Et si, finalement, la mort ne pouvait rien contre celui qui parvint toujours à transmettre l'étincelle de vie ?

Le dernier des Justes est un roman d'une rare intensité sur l'histoire et le destin du peuple juif.

André Schwarz-Bart (1928-2006) entre en résistance en 1943. Il obtient le prix Goncourt en 1959 pour son premier roman, Le Dernier des justes.

Commentaire:

J'ai lu ce livre dans le cadre de l'atelier littéraire du CCJ Simone Veil.

Une histoire très forte dans la tradition des grands conteurs juifs. Des passages terribles. Un étonnement encore plus fort que ce livre ait reçu le prix Goncourt. Commentaire à suivre...

Le divin scénario

 

Jacky Beneteaud, Fabrizio Dori, L'an2 Eds, 192 pages

BD

De quoi s'agit-il?

Un récit de haute fantaisie mêlant religion, mythologie et littérature, jouant de l'érudition et de l'anachronisme, dans lequel l'ange Gabriel, chargé de la Visitation, confond Marie avec d'autres femmes

Spontanément, je dirais

Qualité du graphisme et de la mise en couleur, scènes cocasses qui nous plongent dans l'histoire littéraire, voilà une BD réjouissante et de circonstance !

Histoire d'une vie

 

Aharon Appelfeld, 240 pages, bibliothèque de l'olivier

traduit de l'hébreu par Valérie Zenatti

De quoi s'agit-il?

Avec Histoire d'une vie, Aharon Appelfeld nous livre quelques-unes des clés qui permettent d'accéder à son œuvre : réminiscences de la petite enfance à Czernowitz, en Bucovine. Portraits de ses parents, des Juifs assimilés, et de ses grands-parents, un couple de paysans dont la spiritualité simple le marque à jamais. Il y a aussi ces scènes brèves, visions arrachées au cauchemar de l'extermination. Puis les années d'errance, l'arrivée en terre d'Israël, et le début de ce qui soutiendra désormais son travail : le silence, la contemplation, l'invention d'une langue approchant au plus près l'énigme d'une vie, les méandres de la mémoire, et le sens que l'art peut leur donner.

Traduit de l'hébreu et révisé pour la présente édition par Valérie Zenatti

Prix Médicis étranger 2004

Commentaire établi pour le cercle littéraire du CCJ de Montpellier:

Lire un livre d’Aharon Appelfeld, c’est plonger dans une musicalité particulière qui va droit au cœur. Dans le cadre de notre atelier littéraire, j’ai parcouru Histoire d’une vie pour la 3ème fois, mais pour l’occasion, j’avais acquis une version tout juste parue. Dans cette version révisée par sa traductrice, Valérie Zenatti, des mots, des tournures de phrases apparaissent différentes, donnant un éclairage parfois nouveau au texte, soulignant, lors d’une lecture comparée, l’importance de la traduction dans la transmission.

Lors de cette lecture, j’ai encore une fois été touchée par la vulnérabilité de l’enfance traversée par la guerre. Bien que cette fois, il nous parle de sa propre vie, Ahahron Appelfeld émaille son récit de souvenirs d’enfants croisés au hasard, des enfants que des inconnus aidaient d’un morceau de pain ou d’un manteau – une condition nécessaire, mais hélas pas suffisante pour s’en sortir pendant cette terrible période.

J’ai aussi été frappée par l’importance de la nature dans la vie de l’auteur, et par la relation intime qu’il a nouée très tôt avec elle. Il faut dire qu’en l’absence de parents à un âge où les apprentissages fondamentaux se font, la vie dans les bois n’a pu que laisser une empreinte durable.

Enfin, je parlerai de cette grande sidération qui est la mienne à chaque fois que je lis ces lignes (pages 120 et 121 de l’édition 2021) : « En quelques semaines, l’enfant de sept ans entouré de chaleur et d’un immense amour devint un orphelin de mère abandonné dans le ghetto, traîné par la suite avec son père dans une marche forcée à travers les plaines d’Ukraine, au milieu des agonisants et des morts étendus sur les bas-côtés de la route, trottant avec ses dernières forces auprès de ceux, peu nombreux, qui marchaient encore. »

Il y aurait encore tant à dire sur l’écriture et sur la langue, deux thèmes dont la construction et la déconstruction sont au cœur du livre et de la vie de l’auteur - et qui ont bien occupé nos débats ! Une chose est sûre, l’œuvre est foisonnante et chacun peut y trouver son bonheur de lecteur.


Smotshè, biographie d'une rue juive de Varsovie

 

Benny Mer, L'antilope, 336 pages
traduit de l'hébreu par Gilles Rozier

De quoi est-il question?

Entre les deux guerres, les Juifs représentent environ un tiers de la population de Varsovie. Benny Mer choisit de les faire revivre à travers la visite guidée d’une des rues les plus pauvres du quartier juif de la ville, la rue Smocza (Smotshè en yiddish). Pour cela, il s’est plongé dans la presse yiddish, ses annonces, les faits divers, les fragments littéraires…
Les personnages rencontrés – souvent des petites gens, tailleurs, vendeuses au marché… – sont une source essentielle pour l’auteur. Il tente alors de retrouver ce qu’ils sont devenus après 1939 et parvient parfois à retracer qui a été enfermé dans le ghetto, qui y est mort, qui y a combattu durant l’insurrection, etc.

Spontanément, je dirais…

Avec ce livre que j'attendais avec impatience, j'ai tenté une expérience nouvelle : au lieu de l'engloutir, comme je le fais habituellement des ouvrages dont le sujet m'est cher, je l'ai laissé infuser en me forçant à n'en lire que quelques passages par jour, passages auxquels j'ai réfléchi profondément. Cette technique, qui consiste à manduquer le contenu d'une œuvre, est la même que celle employée par les religieux pour s'imprégner des textes sacrés. Elle m'a permis de laisser venir à moi l'atmosphère de la rue Smotshè. Parfois, j'ai eu l'impression fugace que des odeurs ou des bruits flottaient autour de moi comme autant de fantômes d'un temps révolu. Une formidable immersion permise par le gigantesque travail de recherche entrepris par Benny Mer. Merci à lui pour cette expérience transcendantale.



jeudi 16 septembre 2021

Extrêmement fort et incroyablement près

 

Jonathan Safran Foer, Points, 512 pages

De quoi est-il question?

Oskar, 9 ans, est surdoué, ultrasensible, fou d'astrophysique, fan des Beatles et collectionneur de cactées miniatures. Son père est mort dans les attentats du World Trade Center en lui laissant une clé. Persuadé qu'elle expliquera cette disparition injuste, le jeune garçon recherche la serrure qui lui correspond. Sa quête désespérée l'entraîne aux quatre coins de la ville où règne le climat délétère de l'après 11 septembre. Né en 1977, Jonathan Safran Foer a fait des études de lettres à Princeton. Il vit à Brooklyn avec sa femme et leur fils. Son premier roman, Tout est illuminé, succès international, a été un adapté au cinéma, il est disponible en Points.« Pyrotechnique, énigmatique et, avant tout, extrêmement émouvant. Un exploit hors du commun. »Salman Rushdie. Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso

Né en 1977, Jonathan Safran Foer est l'un des auteurs américains les plus doués de sa génération. Ses livres sont des événements littéraires internationaux. Tous ses ouvrages sont disponibles en Points.

Commentaire spontané:

Abandon

Hélas, je n'ai pas lu ce livre au moment opportun, car j'ai dû stopper sa lecture pendant deux semaines, et cela a suffi pour que je ne m'y retrouve plus lorsque j'ai voulu la reprendre. Pourtant, j'étais presque arrivée au bout…



dimanche 5 septembre 2021

Si maintenant j'oublie mon île

 

Serge Airoldi, 160 pages, L'antilope

De quoi est-il question?

Peu nombreux se souviennent d’une chanson de Mike Brant intitulée Un grand bonheur. C’est un seul vers de cette chanson, « Si maintenant j’oublie mon île », qui a touché Serge Airoldi au point de prendre la plume et de la laisser aller au gré des émotions que lui inspirait l’histoire personnelle de Moshé Brand.
L’auteur était enfant au moment du suicide de la star. Il a ressenti la nécessité de revenir sur le parcours meurtri qui va de Moshé Brand, l’enfant du rêve israélien, à Mike Brant, la star de variété des années 1970, jusqu’à son suicide en 1975.
Sous le texte attachant et poétique de Si maintenant j’oublie mon île, Serge Airoldi fait redécouvrir la fragilité d’un homme à qui tout réussissait.

Commentaire spontané:

J'ai perçu ce texte comme une longue déambulation dans l'intimité de l'auteur. S'y cristallisent des considérations sur le mal, la condition humaine, l'histoire des juifs, de la Shoah, de pays comme la Pologne. Le tout, selon moi, montre la grande sidération de l'auteur 1°) envers cette éternelle victime qu'est le peuple juif, 2°) l'abyssale cruauté humaine.

Des réflexions en chaîne, donc, comme dans une réaction chimique, sauf que je comparerais davantage ce texte à une fièvre éruptive. Pourtant, il existe bel et bien un précipité déclencheur, sans mauvais jeu de mots, Mike Brant, avec lequel l'auteur continue de cheminer dans la vie et entre ces lignes en l'apostrophant parfois. Peut-être tente-t-il ainsi d'entrer en résilience.

Un passage qui m'a marquée se trouve aux pages 44 et 45:

"J'ignore ce qui me prend d'écrire sur la guerre, sur les guerres. Ne sait-on jamais ce qui nous pousse à écrire? Ecrit-on vraiment ce que l'on voudrait écrire? Je ne le crois pas."

💗💗💗


jeudi 12 août 2021

Les aventures de M. Smith

 

Jim Crace, Rivages, 272 pages

De quoi est-il question?

Au XIXe siècle, au large d'une petite ville côtière anglaise, un navire américain, poussé par la tempête, échoue. Le temps de réparer les avaries, l'équipage décide d'explorer l'endroit et se lance dans une aventure de grande envergure : faire la connaissance des habitants du coin. Les voici donc face à M. Phipps, le pasteur tourmenté par la chair, Mme Yapp l'aubergiste gourmande, George l'homme à tout faire, Howells le notable qui tire les ficelles, Rosie et ses colères… Venu de la grande ville prévenir les pêcheurs que sa société n'a plus besoin d'algues pour fabriquer du savon, Aymer Smith entend bien se lier d'amitié avec les autochtones. Ce bon bourgeois est convaincu que ce petit monde reculé va apprécier ses idées progressistes. Mais la petite communauté anglaise, elle, juge les Américains grossiers et M. Smith d'un ennui mortel… Charpenté comme les romans de Dickens, moqueur comme une pièce de Molière, le nouveau roman de Jim Crace et un régal d'intelligence et de drôlerie.

Commentaire spontané:

L'auteur nous brosse un univers fort dépaysant: celui des marins anglais du XIXe. Bien que l'histoire se passe à terre, on côtoie des personnages dont la vie est ponctuée par la récolte du varech, le tout avec un fourmillement de détails qui nous en apprend long sur les us et coutumes de l'époque. M'avoir fait apprécier toute la partie maritime est déjà un petit exploit !

Et puis il y a l'histoire…

A cause de son caractère naïf, le personnage principal se fourre dans des situations intenables pour notre plus grande jubilation. (J'ai quand même souvent eu envie de lui donner des claques pour qu'il ouvre les yeux ou qu'il tienne sa langue, ce grand nigaud!) 

L'ensemble est servi par un style classique impeccable. Humour british +++

Voilà une autre bonne pioche pour les vacances, j'en suis ravie.

💗💗💗💗

mardi 10 août 2021

Tout un été sans Facebook

 

Romain Puértolas, Le Dilettante, 384 pages

De quoi est-il question?

Mutée disciplinairement à New York, Colorado, un petit village du fin fond de l'Amérique, raciste, sans couverture mobile et où il ne se passe jamais rien, la lieutenant de police de couleur noire, à forte corpulence, Agatha Crispies a trouvé un échappatoire à son désœuvrement dans l'animation d'un club de lecture au sein du commissariat. Mais alors qu'elle désespérait de pouvoir un jour enquêter à nouveau sur un meurtre autre que celui d'un écureuil, une série d'effroyables assassinats et disparitions viennent (enfin) troubler la tranquillité des lieux, mettant à l'épreuve ses connaissances littéraires. Puértolas signe un drôle de thriller loufoque, un poilar !

Commentaire spontané:

L'auteur nous campe des personnages délirants dans un endroit plus qu'improbable. L'enquête tient ses promesses d'être loufoque. Voilà un excellent livre pour commencer des vacances!

💗💗💗

dimanche 1 août 2021

Papa-Longues-Jambes

 

Jean Webster, Gallimard Jeunesse, Folio Junior, 229 pages
traduction:  de l'américain: Michelle Esclapez

De quoi est-il question?

"Un bienfaiteur, qui désire rester anonyme, offre de t'envoyer à l'université. En échange, tu lui écriras chaque mois une lettre donnant des détails sur tes études et ta vie là-bas, une lettre comme tu en écrirais à tes parents, s'ils vivaient encore." Pour Jerusha Abbott, jeune orpheline élevée entre les murs d'un respectable et ennuyeux foyer, la proposition est aussi surprenante qu'inespérée. Elle accepte de bonne grâce de se plier aux exigences de son mystérieux tuteur auquel elle a donné le surnom affectueux de Papa-Longues-Jambes.

Commentaire spontané:

Roman épistolaire dont la première publication remonte à 1912. Ceci étant précisé, on admettra certains propos rétrogrades sur la condition féminine, bien que tout le roman montre et encourage l'émancipation des jeunes filles. En effet, l'héroïne devient indépendante intellectuellement (et financièrement!) par les connaissances acquises à l'université. Pourtant on sent que l'auteure est quelque peu rattrapée par son époque quand elle nous concocte une idylle à l'eau de rose qui trouvera son apogée dans les deux dernières pages - toutefois, pas de mariage en vue… 

J'ai trouvé à ce roman un charme indéniable et malgré tout une modernité capable d'instruire les jeunes d'aujourd'hui.

💗💗💗

jeudi 29 juillet 2021

Le Domaine

 

Jo Witek, Actes Sud Junior, 326 pages

De quoi est-il question?

Gabriel accompagne sa mère embauchée pour l'été comme domestique dans la haute bourgeoisie. Solitaire, passionné de nature et d'ornithologie, le jeune homme compte passer ses journées et ses nuits à arpenter les marais et les kilomètres de landes, au plus près de la faune. Pourtant, dès son arrivée, il se sent mal à l'aise et angoissé. Le décorum et l'atmosphère figée de la demeure déclenchent chez lui des pulsions incontrôlables de colère, désir, jalousie. Et quand les petits-enfants des propriétaires débarquent, avec parmi eux la belle et inaccessible Eléonore, Gabriel ne maîtrise plus rien. Désormais, c'est eux et surtout elle qu'il observe à la longue vue. Il est prêt à tout pour se faire aimer car il est fou d'elle. Quitte à la mettre ou se mettre lui-même en danger

Commentaire spontané:

Si Jo Witek écrit comme les plus grands, c'est parce qu'elle est l'une des plus grandes. Elle prend son temps pour planter le décor; une certaine tension parcourt le récit, qui nous vint d'on ne disait où, ou plutôt de tous les côtés à la fois par petites touches. Oui, c'est bien là que réside la subtilité de la chose; une histoire sentimentale naît et... paf! élimination d'un personnage que je ne m'attendais pas à voir disparaître. Le tout dans un style impeccable au cœur d'une nature que l'on sent frémir sous la plume de l'auteure, car elle a travaillé son sujet. Mais la situation est-elle vraiment ce qu'elle paraît être dans ce jeu de dupes ? Car l'auteure nous balade peut-être… Du grand art.

Un livre aussi bien pour ados que pour adultes.

💗💗💗💗💗

mardi 27 juillet 2021

La mécanique du cœur

 

Mathias Malzieu, J'ai lu, 160 pages

De quoi est-il question?

Le jour de la naissance de Jack, en 1874 à Edimbourg, est si froid que son cœur en reste gelé. La sage-femme qui l'a mis au monde, mi-sorcière mi-chamane, remplace l'organe défectueux par une horloge qu'il ne faut pas oublier de remonter tous les matins. Le garçon doit aussi éviter toute émotion : pas de colère, pas d'amour. Mais il va rencontrer une chanteuse de rue au regard de braise… Entrez dans l'univers fantastique de Mathias Malzieu ! 38 Mini westerns (avec des fantômes) Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi La mécanique du cœur.

Commentaire spontané:

Abandon

La quatrième de couverture me semblait alléchante, car en ce moment je suis tentée par des histoires oniriques. Hélas, le style n'était pas au rendez-vous: alors qu'une envolée lyrique se dessinait, paf!, une vulgarité gâchait la fête. Ce n'est pas ce que je recherche, j'ai préféré passer mon chemin.

La salade maudite

 

Christian Oster, illustrations:  Alan Mets, L'école des loisirs, collection Neuf, 120 pages

De quoi est-il question?

Il arrive parfois que la nuit tombe pour de bon et que le sol soit jonché d'étoiles. Il arrive parfois qu'une salade maudite, bannie de son potager, parte chercher fortune en chantonnant. Il arrive parfois qu'une télévision s'ennuie, à force de voir toujours les mêmes têtes la regarder, et qu'une nuit elle attende que tout le monde s'endorme pour tirer un coup sec sur son fil et aller prendre l'air, discrètement, sur ses petites roulettes. Car les télévisions, comme tout le monde, rêvent d'aventures. Et d'amour aussi. Elles peuvent être sujettes au coup de foudre. Et quand elles sont amoureuses, cela peut les mener très très loin...

Commentaire spontané:

Quel bonheur de me replonger dans l'univers de cet auteur à l'imagination fertile ! Et ce style ! ... Du grand art ! Mes rires emplissent encore la maison.

Relecture dans le cadre de mes lectures d'été

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Le prince qui cherchait l'amour

 

Christian Oster, illustrations: Willi Glasauer, L'école des loisirs, collection Neuf, 93 pages

De quoi est-il question?

Les contes ont souvent pour héros des princes qui cherchent l'amour. Mais aucun, jusqu'à ce livre, ne leur avait imposé comme épreuve de retrouver les verres de contact de la princesse, perdus dans une clairière. Les contes commencent souvent par "Il était une fois". Mais aucun, jusqu'à ce livre, n'avait raconté la véritable histoire d'une fois, d'une toute petite fois, qui était seule et s'ennuyait et ne savait pas comment continuer. Dans les contes, on dit souvent que le soleil se couche ou que le soleil se lève, mais aucun, jusqu' à ce livre, n'avait précisé qu'il porte un pyjama, et que s'il reste parfois longtemps au lit, c'est qu'il est puni pour .ses terribles bêtises. Avec les contes, on apprend souvent à se débrouiller dans la vie et à faire face aux imprévus, mais aucun, jusqu'à ce livre, ne nous avait expliqué pourquoi il ne faut pas s'asseoir dans les magnifiques fauteuils des bords de champs de blé, ni ce qu'il convient de dire à une carotte qui veut voir la mer et qui est sourde. Il était temps que ce soit chose faite.

Commentaire spontané:

Fan inconditionnelle de l'univers de Christian Oster, je ne saurais trop conseiller la lecture de ces contes. Jeux de mots, situations absurdes et poétiques, cet auteur plonge les enfants dans un monde onirique en faisant appel à leur intelligence.

Relecture dans le cadre de mes lectures d'été

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Le club des inadaptés

 

Martin Page, L'école des loisirs, collection Médium, 80 pages

De quoi est-il question?

Martin et ses amis se doutaient bien que cela arriverait un jour, que l'un d'entre eux finirait par se faire tabasser, simplement à cause de sa façon de s'habiller ou de ses bizarreries. Ça aurait pu tomber sur Bakary, tellement bon en maths qu'il énerve tout le monde ; sur Fred, le musicien, qui se teint les cheveux en vert ; ou même sur Martin, particulièrement doué pour l'ironie. Finalement, c'est arrivé au plus gentil d'entre eux, à Erwan, le bricoleur de la bande, dont le seul tort est de porter une cravate et des chaussures cirées. Et c'est comme si cette agression avait blessé les trois autres. Au collège, ils deviennent encore plus distants. La moindre injustice met leurs nerfs à vif. La colère circule en eux, leur donnant une énergie folle ! Ils veulent agir, mais à leur manière. forcément particulière.

Commentaire spontané:

Je me suis laissé porter par le charme de l'écriture de Martin Page. Cet auteur décrit au plus juste les émotions des jeunes que la vie bouscule. Tendresse d'un auteur envers ses personnages + trouvailles littéraires, deux ingrédients indispensables à une bonne histoire, me semble-t-il.

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L'incroyable Zanzibar

 

Catharina Valckx, illustrations: de l'auteure, L'école des loisirs, collection Mouche, 64 pages

De quoi est-il question?

Lorsqu'un journaliste de lézard lui affirme qu'il n'est qu'un corbeau bien ordinaire et que ses talents en matière d'omelette aux champignons ne lui confèrent pas une personnalité suffisante pour intéresser les lecteurs du Mille-Feuille, Zanzibar décide d'accomplir un exploit original : soulever un chameau d'une seule aile. Il ne reste plus qu'à trouver le chameau ! Zanzibar s'envole vers le sud. À cœur vaillant,rien d'impossible ! Catharina Valckx rivalise d'audace et engendre la bonne humeur.

Commentaire spontané:

Drôle et tendre, un bon cocktail pour l'été.

Relecture dans le cadre de mes lectures d'été

🧡🧡🧡

C'est qui le plus beau?

 

Agnès Desarthe, illustrations: Anaïs Vaugelade, L'école des loisirs, collection Mouche, 56 pages

De quoi est-il question ?

Milos est le plus beau gnou du monde. Sa mère le lui répète sans arrêt. Lui, il se demande souvent ce qu'il a de plus que les autres. Alors, Milos décide de participer à un concours de beauté ouvert aux animaux. Le premier prix est un voyage à Paris. Mais rien ne va se passer comme prévu. Dans la foule des candidats, Milos se sent un peu seul. Et plus si beau. Soudain, il voit un petit pingouin avec son jeune frigo. Un drame se prépare.

Commentaire spontané :

Touchante histoire sublimée par les personnages expressifs d'Anaïs Vaugelade.

Relecture dans le cadre de mes lectures d'été

💗💗💗

dimanche 18 juillet 2021

Nouvelles

 

Edgar Hilsenrath, Le tripode, 157 pages
Traduit de l'allemand par Chantal Philippe

De quoi est-il question?

Par l'auteur des cultissimes romans Fuck America et Le Nazi et le Barbier.

Ce recueil de nouvelles réunit des textes écrits par Edgar Hilsenrath sur une trentaine d'années. C'est un ensemble insolite, qui va de la farce au récit tragique, du témoignage au conte, en passant par le manifeste politique et la critique littéraire. Entre réminiscences et imaginaire, Edgar Hilsenrath raconte la Bucovine de son enfance, évoque l'écriture et la publication de ses trois romans les plus connus, invente une correspondance délirante entre un général et le coiffeur juif Itzig Finkelstein (alias le meurtrier de masse Max Schulz) – personnage principal de Le Nazi et le Barbier –, livre un éloge d'un de ses deux modèles – Erich Maria Remarque –, dénonce le néonazisme et fait une déclaration d'amour à la langue allemande.

Les lecteurs d'Edgar Hilsenrath y retrouveront sa verve, son humour et son cynisme caractéristiques, mais découvriront aussi un auteur plus sérieux, parfois amer, toujours engagé. Absurdes, drôles, acerbes, nostalgiques, souvent satiriques, les textes de ce recueil sont touchants de sincérité.
" Où ai-je ma place ? Au fond, nulle part. Mon pays est dans ma tête. Tant qu'elle reste claire, tout va bien. "

Commentaire spontané:

Incomparable conteur, ces nouvelles nous parlent essentiellement de l'homme qu'était Edgar Hilsenrath et de ses fêlures obsessionnelles.

Mention spéciale pour la nouvelle Cher Monsieur Blumenthal qui résume à elle seule l'esprit de ce recueil et la pensée de l'auteur à la fin de sa vie.

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Voici l'homme

 

Michael Moorcock, L'atalante, 192 pages

Traduit de l'anglais par Martine Renaud et Pierre Versins 

De quoi est-il question?

Il s'appelait Karl Glogauer.
Il avait remonté le temps, du milieu du XXe siècle jusqu'en l'an 28, pour chercher le Christ et assister à sa crucifixion. Maintenant qu'il se trouvait sur la Terre Promise, il venait de rencontrer Jean-Baptiste, le prophète, et déjà il lui parlait de celui qu'il désirait voir et dont l'image le hantait depuis toujours bien qu'il fût incroyant.

Mais Jean le Baptiste le regardait, un rien stupéfait.
Comme si l'on avait à l'instant prononcé le nom de Jésus de Nazareth pour la première fois devant lui.

Commentaire spontané:

Le voyage temporel et Jésus, deux sujets traités efficacement dans ce roman.

Le petit bémol, c'est que l'auteur passe un peu vite sur certains points, qui sont peut-être secondaires dans la démonstration qu'il souhaite faire de son propos, mais qui in fine, l'affaiblissent. (Comment se fait-il que Karl ait appris l'araméen? Quid de la machine à remonter le temps?...)

💗💗

Le transport de A.H.

 

George Steiner, Noir sur blanc, 208 pages

De quoi est-il question?

Ce thriller envoûtant met en scène quelques thèmes importants et tabous de notre époque. Hitler était-il fou ? Se considérait-il lui-même comme juif ? Israël est-il un legs d'Hitler ? Peut-on considérer l'Holocauste comme un acte du faux messie attendu depuis des millénaires ? Peut-on laisser ce vieillard décrépit faire entendre la magie noire de sa voix ? Le langage qui crée, le Logos, doit nécessairement impliquer son contraire, le mot qui « incrée ».

Avec ce livre, George Steiner a réussi un rare tour de force : celui de nous poser les grands problèmes moraux tout en les immergeant dans un récit haletant et ensorcelant.

Commentaire spontané:

Un roman passionnant sur le langage notamment, sur la portée des mots et sur leur défaite.

Je l'ai lu dans la traduction de Christine de Mautauzon pour Julliard à sa sortie en 1981.

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Jonas, poulet libre

 

Valérie Zenatti, Illustrations: Nadja, L'école des loisirs, collection Mouche, 40 pages

De quoi est-il question?

Jonas n’est pas un poulet comme les autres, il ne piaille pas toute la journée dans le poulailler, il se tient à l’écart, il est silencieux et solitaire. Il faut dire que Jonas fait des cauchemars terribles. Dès qu’il ferme ses petits yeux bruns, une vision d’horreur lui apparaît. Et quand il essaie d’en parler aux autres poulets, personne ne le prend au sérieux. Jonas va devoir apprendre à se débrouiller tout seul.

Commentaire spontané:

Un texte sensible qui n'impose aucune idée, mais qui au contraire permet de réfléchir dans plusieurs directions sur différents thèmes.

Relecture 💗💗💗

Chien Pourri ! et la poubelle à remonter le temps!

 

Colas Gutman, illustrations: Marc Boutavant, L'école des loisirs, collection Mouche, 88 pages

De quoi est-il question?

Chien Pourri et Chaplapla trouvent une poubelle à remonter le temps. En remontant dans le passé, Chaplapla sera-t-il toujours aussi plat et Chien Pourri aussi pourri ?!

Commentaire spontané:

Jeux de mots plus situations improbables: grosses rigolades en perspective!

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Chien pourri ! et sa bande

 

Colas Gutman, illutations: Marc Boutavant, L'école des loisirs, collection Mouche, 88 pages

De quoi est-il question?

Rien ne va plus entre Chien Pourri et Chaplapla ! Chien Pourri rêve de faire partie de la bande des frangins, mené par le caniche à frange, Chaplapla, lui, de se faire recruter par Moustacha le chef du gang des Moustachus. La guerre entre chiens et chats est déclarée et tous les coups pourris sont permis ! L’amitié de Chien Pourri et de Chaplapla résistera-t-elle à la guerre des bandes ?

Commentaire spontané:

Retrouver ces personnages me fait l'effet de déguster une glace à la fraise en pleine canicule.

💗💗💗

mercredi 30 juin 2021

Le métier d'écrivain

 

Hermann Hesse, Rivages, 96 pages

Présentation:

Comment bien lire et bien écrire, qu'est-ce qu'un bon texte, une bonne critique, quelles sont les peines et les joies de l'écrivain ; autant de questions abordées dans ces pages où chacun pourra mieux appréhender la nature et la portée de cette acte singulier qu'est l'écriture.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: 💗💗💗💗

Commentaire spontané:

A lire, relire et méditer…

Je vais m'y employer.

dimanche 27 juin 2021

L'usine

 

Hiroko Oyamada, Christian Bourgois éditeur, 192 pages

Traduit du japonais par Silvain Chupin

Présentation:

L'Usine, un gigantesque complexe industriel de la taille d'une ville, s'étend à perte de vue. C'est là qu'une femme et deux hommes, sans liens apparents, vont désormais travailler à des postes pour le moins curieux. L'un d'entre eux est chargé d'étudier des mousses pour végétaliser les toits. Un autre corrige des écrits de toutes sortes dont l'usage reste mystérieux. La dernière, elle, est préposée à la déchiqueteuse de documents. Très vite, la monotonie et l'absence de sens les saisit, mais lorsqu'il faut gagner sa vie, on est prêt à accepter beaucoup de choses... Même si cela implique de voir ce lieu de travail pénétrer chaque strate de son existence ? Dans une ambiance kafkaïenne où la réalité perd peu à peu de ses contours, et alors que d'étranges animaux commencent à rôder dans les rues, les trois narrateurs se confrontent de plus en plus à l'emprise de l'Usine. Hiroko Oyamada livre un roman sur l'aliénation au travail où les apparences sont souvent trompeuses.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: 💗💗💗💗💗

Commentaire spontané:

Comment ne pas être touché par le destin de ces personnages qui se débattent dans des difficultés qui nous ont tous concernés : avoir un emploi, gagner sa vie, se stabiliser ? D'autant que le monde absurde dans lequel ils vivent les transforme lentement mais sûrement…

Un livre qu'il m'a été impossible de lâcher et que j'ai lu en un après-midi. Si vous êtes amateurs de Kafka, foncez ! 

Freshkills

 

Lucie Taïeb, La Contre-allée, 160 pages

Présentation:

L’ île de Staten Island, à New York, a hébergé de 1948 à 2001 ce qui devint peu à peu l’une des plus grandes décharges à ciel ouvert du monde. Aujourd’hui, le site de Freshkills se transforme en un parc verdoyant, parmi les plus grands de New York, construit au-dessus des déchets enfouis.


Dans ce récit-documentaire à la croisée des genres, Lucie Taïeb remonte aux origines de cette décharge de Babel pour "penser le problème de manière poétique" et comprendre ce lieu qui, à l’apogée de sa production, traitait jusqu’à 29 000 tonnes d’ordures par jour. S’intéresser à l’histoire de ce site et à la façon dont nous traitons nos déchets est aussi pour l’autrice l’opportunité de questionner l’usage du langage technocratique et marketing pour influencer notre perception du réel.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: 💗💗💗

Commentaire spontané:

Sujet aussi passionnant que dérangeant, car il pointe l'infernal emballement de notre consommation (on pourrait parler de frénésie consumériste) due à l'économie de masse et montre combien il nous est actuellement difficile, voire impossible, de faire machine arrière. Cet essai montre aussi l'habilité avec laquelle la société détourne le problème des déchets. J'en suis sortie le souffle coupé.

L'analphabète

 

Agota Kristof, Zoe, 80 pages

Présentation:

Phrases courtes, mots justes, lucidité et humour : le monde d'Agota Kristof infuse dans L'Analphabète, son seul récit autobiographique. Onze chapitres pour onze moments de sa vie, de la petite fille en Hongrie qui dévore les livres à l'écriture de ses romans. Les premières années heureuses, la pauvreté après la guerre, l'amour des mots, la rupture du « fil d'argent de l'enfance », puis l'adolescence, et finalement l'exil, qui ne la conduit pas seulement hors d'un pays, mais surtout hors d'une langue.

Agota Kristof fuit la Hongrie en 1956, par la forêt, à pied, son bébé dort dans les bras de son père, elle porte deux sacs, des langes dans l'un, des dictionnaires dans l'autre. Elle a 21 ans. Le hasard veut qu'elle s'installe en suisse, à Neuchâtel, où elle travaille d'abord dans une fabrique de montres. Elle y apprend le français et se met à écrire dans cette langue. En 1986, elle devient célèbre avec son premier roman, Le Grand Cahier. Deux livres suivent, La Preuve et Le Troisième Mensonge, formant une trilogie au succès international. Elle publie aussi Hier et C'est égal, et de nombreux textes pour le théâtre. Agota Kristof est décédée en juillet 2011.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: 💗💗💗

Commentaire spontané:

Ce récit autobiographique permet d'entrevoir sa trilogie sous un œil neuf, et surtout de comprendre son style si particulier. De beaux passages sur l'apprentissage d'une langue étrangère.

jeudi 17 juin 2021

Le coeur synthétique

 

Chloé Delaume, Seuil, 208 pages

Présentation:

Adélaïde vient de rompre, après des années de vie commune. Alors qu'elle s'élance sur le marché de l'amour, elle découvre avec effroi qu'avoir quarante-six ans est un puissant facteur de décote à la bourse des sentiments. Obnubilée par l'idée de rencontrer un homme et de l'épouser au plus vite, elle culpabilise de ne pas gérer sa solitude comme une vraie féministe le devrait. Entourée de ses amies elles-mêmes empêtrées dans leur crise existentielle, elle tente d'apprivoiser le célibat, tout en effectuant au mieux son travail dans une grande maison d'édition. En seconde partie de vie, une femme seule fait ce qu'elle peut. Les statistiques tournent dans sa tête et ne parlent pas en sa faveur : " Il y a plus de femmes que d'hommes, et ils meurent en premier. "

À l'heure de #metoo, Chloé Delaume écrit un roman drôle, poignant, et porté par une écriture magnifique.

Le Cœur synthétique est lauréat du prix Médicis 2020.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: 💗💗💗

Commentaire spontané: 

Pas très gai, tout ça. Ce livre est un constat angoissant et amer d'une société (la nôtre, hélas, les statistiques sont là pour le prouver) où la femme est vouée à la solitude… à moins qu'elle n'ait des bonnes copines, comme c'est le cas de l'héroïne.

J'ai trouvé la lecture plaisante, mais je me demande ce qu'il en restera dans six mois... 

dimanche 13 juin 2021

Entre les lignes

 

Dominique Mermoux, Rue de Sèvres, 168 pages

D'après de roman de Baptiste Beaulieu


Présentation:

Lorsqu’il découvre dans une vieille malle trois carnets renfermant des lettres d’amour, le père de Baptiste sombre dans une profonde mélancolie. Baptiste, lui, tombe des nues : Moïse,  son grand-père, y raconte toute l’histoire de sa vie. Plus incroyable encore, Moïse adresse son récit à une inconnue : Anne-Lise Schmidt.  Naviguant entre les grands drames du XXe siècle et des témoignages d’aujourd’hui glanés dans une tentative éperdue de faire passer un message à son père, Baptiste devra percer le lourd secret  d’un homme et lever le voile sur un mystère  qui va chambouler toute une famille…

Combien ce livre a fait battre mon cœur: 💗💗💗💗

Commentaire spontané: 

Beaucoup de délicatesse et d'élégance dans ces pages. Celles qui se rapportent au passé m'ont véritablement conquises -  j'irais même jusqu'à écrire emballées ! 

A la base, l'histoire est très belle, et elle est magnifiée par la finesse d'exécution de chaque scène.

C'est l'histoire d'un amour absolu dans une période charnière de notre histoire. Cet amour conduira à la plus grande des concessions. (A la fin, j'ai eu ma petite larme, je l'avoue.)

Un magnifique travail d'adaptation, bravo !




mercredi 9 juin 2021

L'énigmaire

 

Pierre Cendors, Quidam éditeur, 236 pages

Présentation:

Orze, un village bombardé en 1916, a été transformé depuis en zone rouge interdite au public. Des fouilles archéologiques y révèlent une activité géomagnétique anormale et les vestiges d’un ancien culte chthonien. Ceux qui s’y rendent en reviennent inexplicablement changés. Trois inconnus - Lazlo Ascencio, surnommé Little Nemo, le premier «spacien », Adna Szor,une musicienne en deuil, et Sylvia Pan, une femme en quête de racines - se confrontent tour à tour aux mystères d’un territoire marqué par les révolutions croisées du règne naturel et de l’homme.

Roman - monde d’un éclat sombre, L’Énigmaire explore les arcanes du vivant et nous invite à repenser la violence de la création et celle de l’homme. Écrit en hommage à Andreï Tarkovski, il donne voix à l’esprit des lieux. Et couronne un travail de réflexion poétique quant au rapport au terrestre en s’articulant autour de deux pensées, celle d’Elisée Reclus : «L’homme, c’est la nature prenant conscience d’elle-même » : et celle de Gary Snyder : « Les profondeurs de l’esprit, l’inconscient, sont nos propres étendues sauvages ».

Combien ce livre a fait battre mon cœur:  Abandon

Commentaire spontané:

La référence au Stalker m'avait mis l'eau à la bouche, mais finalement, je n'ai pas réussi à entrer dans l'histoire. J'ai abandonné à 60 pages de la fin… 

vendredi 4 juin 2021

Une fêlure

 

Emmanuel Régniez, Le Tripode, 120 pages

Présentation:

On le sait, et l’oublie trop souvent, les contes ne sont pas que pour les enfants. Ils disent ce qu’il y a de plus terrible et dangereux. Bien mieux, bien plus, que beaucoup de romans.
Une Fêlure est un récit. C’est aussi un conte. Il livre l’errance, l’horreur d’une famille. Et révèle comment la littérature peut sauver alors la vie.

L’Auteur

Emmanuel Régniez est l'auteur au Tripode de Notre Château (2016), Madame Jules (2019) et Une fêlure (2021). 

Combien ce livre a fait battre mon cœur: 💗💗💗💗


Commentaire spontané:

Une écriture ciselée, une construction enthousiasmante, un sujet tabou. Quelle claque!

mercredi 2 juin 2021

La Demoiselle à cœur ouvert

 

Lise Charles, P.O.L, 352 pages

Présentation:

« Horreur ! Erreur ! N’ouvrez surtout pas le message précédent ! J’ai fait une fausse manœuvre, il ne vous est pas destiné. Mais je sais que je peux compter sur votre discrétion. »



Octave Milton, un écrivain de 44 ans pensionnaire à la Villa Médicis, utilise son talent, sa notoriété et son goût de l’indiscrétion pour attirer ses connaissances comme ses correspondantes, détourner leurs confessions, leurs frustrations, leurs secrets, et les recycler dans son œuvre. Sera-t-il puni ou sauvé ? Est-il un voleur, un pervers, un manipulateur, ou simplement un auteur en manque d’inspiration ? Ou bien peut-on soutenir, comme le fait son amie et éditrice occulte Livia Colangeli, que toute fiction implique un vol ? Le journal pillé d’une adolescente (cette demoiselle à cœur ouvert) apportera une terrible réponse.


Ce troisième roman de Lise Charles est un roman épistolaire contemporain, autrement dit par mails, qui s’inspire avec délices des Liaisons dangereuses, mêlant aux problèmes du désir, de l’amour, de la jalousie, celui de la création. Elle s’inspire directement de son propre séjour comme pensionnaire à la Villa Médicis en 2018, et joue à de fausses mises en abîme avec les situations, les rôles. Les résonances de plusieurs types de textes à l’intérieur du livre (mails, journal, nouvelle, article universitaire…) créent une épaisseur de réalité en même temps qu’un jeu de miroir profond, et souvent drôle. Cette construction ludique, la fiction de documents réalistes comme le journal bouleversant d’une jeune adolescente, et le goût de la manipulation du héros, vont pourtant entraîner le lecteur jusqu’à un dénouement tragique.
Les jeux du désir et de la création ont rendez-vous avec l’innocence et la mort.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: 💗💗💗

Commentaire spontané:

Etonnant résume le mieux mon impression sur ce livre qui décrit sans fard certains travers du monde littéraire. L'histoire nous questionne sur ce qu'est véritablement la création, sur les mécanismes qui entrent en jeu, sur les artifices dont les auteurs usent pour accoucher d'une œuvre. J'avoue avoir eu un coup de mou au milieu du livre et puis il y a eu le journal intime de Louise et enfin le grand final. A partir des réflexions enfantines de Louise, je ne pouvais plus m'empêcher de tourner les pages. C'était fascinant.

lundi 24 mai 2021

Vert Samba

 

Charles Aubert,  Slatkine et Cie, 316 pages

Présentation:

Mettez-vous au vert

Le cadavre d'un ostréiculteur est retrouvé près d'un étang. Puis un second. Coïncidence mystérieuse : les deux ont le même tatouage sur le bras.

Il n'en fallait pas plus pour relancer Lizzie et Niels. Accompagné de Vieux Bob et du capitaine Malkovitch, le couple va tenter de mettre la lumière sur cette affaire sordide.

Une enquête qui les conduira sur les traces d'un vieux groupe de rock local dont les membres semblent appartenir à l'extrême droite locale.

Un polar doux comme on les aime. Toute la magie des personnages récurrents de Charles Aubert.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️

Commentaire spontané:

Un troisième volet toujours aussi agréable à lire que les deux précédents. Bien sûr, on est dans une intrigue policière, mais je la ressens presque comme un prétexte pour nous faire accéder à une philosophie de vie. Les personnages sont très incarnés. La vie ne les a pas épargnés et l'auteur nous entraîne dans leurs doutes et leurs angoisses existentielles. C'est aussi le retour aux valeurs simples qui est mis en avant (la fameuse philosophe de vie): amitié, connexion avec la nature - qui est, cette fois encore, omniprésente. On ne peut qu'être conquis. Je l'ai été pour la troisième fois.

dimanche 16 mai 2021

Idiss

 

Richard Malka, Fred Bernard, 128 pages, Rue de Sèvres
D'après un livre de Robert Badinter


Présentation:

« J'ai écrit ce livre en hommage à ma grand-mère maternelle, Idiss. Il ne prétend être ni une biographie, ni une étude de la condition des immigrés juifs de l'Empire russe venus à Paris avant 1914. Il est simplement le récit d'une destinée singulière à laquelle j'ai souvent rêvé. Puisse-t-il être aussi, au-delà du temps écoulé, un témoignage d'amour de son petit-fils. » Robert Badinter. Richard Malka et Fred Bernard s'emparent de ce récit poignant et intime pour en livrer une interprétation lumineuse tout en pudeur et à l'émotion intacte.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️

Commentaire spontané: 

Voilà une très belle histoire d'amour qui peu à peu se transforme en saga familiale touchante sous la houlette d'un duo très inspiré: Richard Malka pour le scénario et Fred Bernard pour les illustrations. Celles-ci sont splendides, riches, foisonnantes, tellement vivantes que j'ai été émue rien qu'en les admirant. Dès le départ, on est pris par les scènes dans le shtetl qui sont incandescentes: toute la vie de la communauté est là, régie par un quotidien rude où surgissent de petits bonheurs, un quotidien qu'on sent près de basculer… Une BD magnifique!

lundi 10 mai 2021

Dibbouks

 

Irène Kaufer, L'antilope 224 pages

Présentation:

Dans la croyance populaire juive, le dibbouk est l’âme d’un mort qui vient s’incarner dans le corps d’un vivant. Ici, la narratrice est obsédée par une quête familiale. Son père, rescapé de la Shoah, a laissé un témoignage dans lequel il raconte comment, lors de sa déportation, il a été séparé de sa fille.
Qu’est-elle devenue ? Elle a disparu à jamais.
Mais la narratrice, elle, se laisse peu à peu envahir par le dibbouk de cette sœur. Elle n’a de cesse, dès lors, de se lancer à la recherche de Mariette.
Un roman plein d’humour sur un sujet sensible.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️❤️

Commentaire spontané:

Voilà un livre fascinant. D'abord, l'écriture m'a littéralement happée - j'irais même jusqu'à dire qu'elle m'a ensorcelée, histoire de rester dans le thème. Elle est vive et souvent joyeuse malgré le sujet délicat, et surtout, elle est incroyablement maîtrisée pour un premier roman.

Et puis il y a la quête, celle d'un passé lourd et triste qui traverse les générations, leur survit. C'est un livre magique et lumineux où la frontière entre le réel et la fiction s'abolit. On ne sait plus très bien ce qui est vrai, mais on est dedans, on veut savoir, on est pris. Chaque pas de la quête, on le fait avec la narratrice et ce que l'on découvre dépasse nos espérances les plus folles.

J'ai relu plusieurs fois certains chapitres pour comprendre où Irène Kaufer m'avait égarée, mais la construction est tellement brillante que tout se fait naturellement. 

Mes amis, bonne ou mauvaise nouvelle: le royaume des morts est à portée de main, il vit en nous, malgré nous, et ce livre en est une preuve éclatante.

vendredi 7 mai 2021

Hier

 

Agota Kristof, Points, 160 pages

Présentation:

Aujourd'hui recommence la course imbécile. Se lever à cinq heures, prendre le bus, pointer... Pour que demain soit différent, il faudrait qu'apparaisse enfin Line, la femme idéale dont rêve Sandor Lester depuis qu'il a quitté son pays natal. Alors, il y aurait un avenir possible dans lequel Sandor deviendrait écrivain sous le nom de Tobias Horvath. Mais ce jour-là, ce n'est pas l'avenir qui monte dans le bus. C'est Line, la vraie Line, surgie du passé...


Avec la simplicité et la précision qu'on lui connaît, Agota Kristof raconte "l'histoire d'un grand amour impossible" et se livre à une réflexion aiguë sur le passage du temps et les injustices du monde contemporain.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️

Commentaire spontané:

Cette écriture faussement naïve est si singulière qu'elle vaut le détour à elle seule. Mais le propos… le propos! Dire aussi sobrement tout le drame de l'Amour - l'amour maternel, l'amour d'enfance, l'amour rétribué, l'amour interdit, l'amour conjugal, etc. - , c'est pire que le crier avec un mégaphone.

vendredi 30 avril 2021

L'anomalie

 

Hervé Le Tellier, Gallimard, La blanche, 336 pages


Présentation:

«Il est une chose admirable qui surpasse toujours la connaissance, l’intelligence, et même le génie, c’est l’incompréhension.»
En juin 2021, un événement insensé bouleverse les vies de centaines d’hommes et de femmes, tous passagers d’un vol Paris-New York. Parmi eux : Blake, père de famille respectable et néanmoins tueur à gages ; Slimboy, pop star nigériane, las de vivre dans le mensonge ; Joanna, redoutable avocate rattrapée par ses failles ; ou encore Victor Miesel, écrivain confidentiel soudain devenu culte.
Tous croyaient avoir une vie secrète. Nul n’imaginait à quel point c’était vrai.
Roman virtuose où la logique rencontre le magique, L’anomalie explore cette part de nous-mêmes qui nous échappe.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️❤️

Commentaire spontané:

Eh bien, cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un Goncourt avec une intrigue qui décoiffe autant -d'ailleurs cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un Goncourt tout court, je crois. Excellente surprise, donc, tant du point de vue de l'écriture que du propos.

mercredi 21 avril 2021

La fatigue du matériau

 

Marek Sindelka, éditions des Syrtes, 230 pages

Traduit du tchèque par Christine Laferrière

Présentation:

Deux jeunes frères fuient clandestinement leur pays, après la disparition de leurs parents dans un bombardement. Ils arrivent séparément en Europe où ils ont prévu de se retrouver. Ce sont alors deux périples qu'entreprend le lecteur dans ce récit court, intense et haletant, au gré des épreuves que traversent les deux frères, dans l'espoir de se voir accorder un nouveau droit a? l'existence. Il faut fuir et se cacher, trouver a? manger, tenter de se repérer, avancer. Le monde se révèle à travers le prisme de l'angoisse, nous faisant vivre une véritable expérience physique et humaine.

La Fatigue du matériau est le roman de la migration, une géographie de la peur qui nous exhorte a? nous mettre dans la peau d'un migrant. Le lecteur s'approprie le désespoir, le froid et la faim. Mus par la force du lien fraternel et par la volonté de ne jamais se laisser humilier, Amir et son frère doivent tenir malgré la « fatigue du matériau », c'est-à-dire l'usure extrême du corps. Un puissant remède contre la deshumanisation.
Ne? en 1984, Marek Sindelka est l'un des auteurs tchèques les plus remarqués de sa génération. Il s'est distingue dès 2005 par sa poésie. La Fatigue du matériau a reçu le prix Magnesia Litera en République tchèque (2017). Il a été traduit dans de nombreuses langues.

Combien ce livre a fait battre mon cœur: ❤️❤️❤️

Commentaire spontané: 

J'ai été malmenée par l'âpreté de cette longue errance, par ses chutes et ses impasses. La narration en rend très bien compte. Elle arrive à nous perdre comme sont perdus les deux héros. Une expérience de lecture qui m'a secouée.

A noter: Le chapitre 17 à ne rater sous aucun prétexte tant il est époustouflant. L'auteur y décrit le travailleur désincarné, réduit en esclavage par la machine, d'une manière implacable et glaçante.